Tortures physiques, procès bâclé, déni permanent de ses droits les plus élémentaires. Le militant écologiste Wu Lihong, l'un des premiers à avoir dénoncé les dégâts de la pollution dans le lac Taihu en 2007, veut que la lumière soit faite sur ses conditions d'incarcération, jusqu'à sa libération le 12 avril. " Pendant trois ans, j'ai été confiné dans une pièce sans fenêtre de 20 m2, où il était strictement interdit de me parler ", a-t-il raconté au Monde lors d'un long entretien téléphonique depuis sa maison familiale dans le village de Zhoutie, près de Yixing, dans le Jiangsu.
Placé sous un régime dit de " contrôle disciplinaire " pendant la quasi-totalité de sa détention, il a dû manger tous ses repas en une minute et demie, dans un bol placé à même le sol; demander une autorisation pour boire; courir en rond, les jours de grande chaleur, dans la cour de la prison jusqu'à l'épuisement. La lecture lui était interdite, ainsi que tout matériel lui permettant d'écrire.
L'arrestation de Wu Lihong en avril 2007, puis sa condamnation à trois ans de prison, avait ému la communauté chinoise des défenseurs de l'environnement. Ce militant de terrain, qui n'appartenait à aucune ONG, se battait depuis plusieurs années pour dénoncer la pollution des eaux provoquée par les nombreuses usines chimiques de la région de Yixing. Il traquait les pollueurs et alertait l'agence de protection de l'environnement, dont le gouvernement souhaitait renforcer la capacité d'intervention. Son combat était alors largement relaté dans la presse chinoise.
En 2005, il a même été désigné comme l'un des dix militants écologiques de l'année. Mais il devient aussi la bête noire des autorités locales, qui le harcèlent. Elles enverront un détachement policier l'arrêter en pleine nuit, afin d'éviter que les paysans ne le protègent. L'acte d'accusation portera sur le fait qu'il n'aurait pas respecté une clause dans un contrat commercial (Wu Lihong était représentant en matériel d'isolation sonore).
Aveux forcés
Un mois après son arrestation, le Taihu, troisième plus grand lac de Chine, est envahi par une marée d'algues toxiques. Il est déclaré zone sinistrée en mai 2007. C'est une catastrophe nationale. Le premier ministre, Wen Jiabao, se rend sur place, l'armée est mobilisée pour nettoyer le lac. Les usines chimiques sont montrées du doigt. Malgré la mobilisation d'intellectuels et de journalistes chinois, Wu Lihong disparaît dans le trou noir de la justice chinoise.
Il est jugé à huis clos. Son micro et celui de son avocat sont coupés. Brûlé aux mains par des cigarettes, fouetté, battu à coups de pied, il avait été contraint de signer des aveux. " J'avais été emmené dans une pièce spécialement conçue pour les soi-disant aveux, tapissée de caoutchouc. Ils m'ont menacé de mettre de l'héroïne chez moi, que je serais condamné. Qu'ils pouvaient me tirer dessus, et que le diagnostic serait celui d'une hémorragie cérébrale ", nous a-t-il raconté.
Brice Pedroletti (Shanghaï, correspondant)
Lire l'intégralité du témoignage
de Wu Lihong à partir de mardi.
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