Une semaine jour pour jour avant l'ouverture du sommet du G20 à Toronto, les 26 et 27 juin, la Chine a fait part, samedi 19 juin, de sa décision d'organiser une " plus grande flexibilité " du taux de change de sa monnaie, le yuan. Cette mesure répond aux multiples demandes des Etats-Unis, qui considèrent que le yuan est maintenu à un niveau artificiellement bas par rapport au dollar pour favoriser les exportations chinoises. Celles-ci ont augmenté de 48,5 % entre mai 2009 et mai 2010.
Cette annonce, qui implique l'abandon par Pékin du lien fixe entre le yuan et le dollar, a cependant été relativisée dès le lendemain par une autre annonce chinoise. L'appréciation du yuan, a précisé dimanche un représentant de la Banque centrale de Chine, ne pourra être que " graduelle ".
Le pouvoir chinois souffle-t-il le froid après le chaud ? Pour beaucoup d'experts, cette tactique illustre en réalité le souci de Pékin de désamorcer les revendications occidentales au G20 et de mettre en scène les positions chinoises, tout en ménageant ses acteurs internes : il faut masquer ce qui pourrait apparaître comme un recul face aux pressions. Les mêmes experts s'attendent donc à un réajustement limité.
La Chine a fait un geste de nature essentiellement politique avant la réunion du G20 à Toronto (Canada) cette semaine en annonçant, samedi 19 juin, sa décision de favoriser une plus grande " flexibilité " du taux de change du yuan - ce qui reviendrait à une certaine appréciation de sa monnaie réclamée par les Occidentaux. Le yuan a atteint, lundi, son plus haut niveau en cinq ans sur le marché interbancaire, à 6,8089 pour un dollar. L'annonce de Pékin n'a pourtant pas tout à fait convaincu observateurs et économistes.Un porte-parole de la banque centrale de Chine avait tenu, dès dimanche, à relativiser l'importance du communiqué de la veille, laissant penser que la décision de Pékin n'aurait qu'un impact limité : l'ajustement du taux de change du renminbi - le nom officiel du yuan - par rapport au dollar ne se fera pas " en une fois ", mais de façon " graduelle ", précisait ce communiqué publié sur le site Internet de la Banque et cité immédiatement par l'agence de presse Chine nouvelle : la " stabilité fondamentale " du yuan sera maintenue.
La Chine subit une intense pression internationale, notamment américaine, les pays occidentaux lui reprochant de sous-évaluer sa monnaie pour assurer la compétitivité de ses exportations. Mais elle ne cesse de répéter qu'elle ne cédera pas aux oukases des Etats-Unis. La banque centrale chinoise a précisé à ce sujet qu'un " taux de change plus flexible n'est pas la réponse à des déséquilibres de la balance commerciale avec tel ou tel pays ".
En 2005, Pékin s'était engagé dans une appréciation très progressive du yuan en le liant aux fluctuations d'un " panier " des principales monnaies internationales. Depuis fin novembre 2008 et le début de la crise, le yuan était cependant solidement arrimé à la monnaie américaine à un cours presque constant de 6,83 yuans pour un dollar, dans le but avéré de soutenir les exportateurs chinois et de prévenir des pertes d'emplois.
" Mouvement tactique "
" L'annonce de samedi est un mouvement tactique de Pékin avant la tenue du G20 et tout montre que le réajustement sera limité ", estime Jean-François Huchet, spécialiste de l'économie chinoise et directeur du Centre d'études français sur la Chine contemporaine (CEFC), à Hongkong. " La décision chinoise de ne pas augmenter les bandes de fluctuation du yuan montre que si des fluctuations peuvent avoir lieu, elles seront très faibles. Pour les autorités chinoises, il était essentiel de "déminer le terrain" avant la réunion de Toronto. "
Pour Willy Lam, un spécialiste hongkongais des questions politiques chinoises, la Banque de Chine est coutumière de l'effet d'annonce avant des échéances internationales d'importance " sans que cela signifie qu'elle prenne de "réelles" actions concrètes " : " elle l'a fait par le passé ", souligne-t-il, laissant penser qu'en dépit de l'accueil positif des Etats-Unis et de l'Europe au communiqué de samedi, tout cela pourrait être une fois de plus de la poudre aux yeux...
Le Quotidien du peuple lui-même, le journal du Parti communiste chinois, a d'ailleurs tenu à prévenir, dimanche, que le yuan pourrait bien flotter " à la baisse et à la hausse ", l'appréciation " à sens unique n'étant pas l'idée de la réforme " Le journal ajoute tout de même qu'une appréciation de la monnaie aidera à combattre une inflation grandissante et la formation de bulles spéculatives.
En fait, comme le remarquent certains observateurs, la Chine se retrouve entre l'arbre et l'écorce : d'un côté, elle ne veut pas laisser s'apprécier trop rapidement le yuan pour des raisons qui tiennent à la compétitivité de ses exportations, mais, de l'autre, elle est obligée de prendre en compte les tensions internationales provoquées par son refus de réévaluer sa monnaie.
Dans le même temps, elle essaie de faire évoluer son mode de croissance en annonçant que son économie ne devrait pas seulement être tirée par les exportations : elle entend développer son marché intérieur en cherchant à constituer un système de protection sociale destinée à rétablir l'équilibre entre une épargne trop forte et une consommation encore trop faible.
Les exportations ont cependant enregistré une hausse spectaculaire de 48,5 % cette année, selon les chiffres publiés le 10 juin, une information qui ne pouvait que renforcer les pressions internationales sur la question du taux de change du yuan.
Bruno Philip
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