Le point de vue des chroniqueurs de l'agence économique Reuters Breakingviews
La Chine vient de faire un geste bienvenu et bien modeste sur la question épineuse de la valeur du yuan. La Banque populaire de Chine a annoncé qu'elle assouplirait la gestion de la devise nationale tout en ajoutant qu'il n'y avait pas lieu de procéder à une revalorisation significative. Voilà qui va épargner au pays de nouvelles passes d'armes avec les Etats-Unis, son principal partenaire commercial. Mais attention : si aucun changement tangible n'est observé, la trêve ne sera que de courte durée.
L'indexation de fait du yuan sur le dollar américain résulte d'une décision prise en 2008 pour lutter contre la crise économique. Pékin craignait que le développement de ses exportations ne soit compromis par la récession. Or aujourd'hui, le pays risque plutôt la surchauffe que la contraction.
L'annonce intervient à un moment bien choisi politiquement. En promettant de réformer son système de change, la Chine devrait éviter que ce dossier ne constitue l'objet principal des débats du G20 à Toronto, prévu du 25 au 27 juin. Les dirigeants chinois espéraient ne pas avoir à prendre position sur le sujet, mais dans un contexte où le chômage américain reste élevé, tandis que les exportations chinoises ont progressé de 49 % de mai 2009 à mai 2010, ils n'avaient pas le choix.
Ce sera un grand soulagement pour le président américain, Barack Obama, qui a dû affronter l'intransigeance de Pékin et l'animosité croissante des élus de son pays, qui réclamaient des sanctions commerciales. Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, avait lui aussi subi de fortes pressions. Il avait même accusé publiquement les Chinois de " manipuler " leur monnaie.
Il y a peu de chance que la valeur du yuan évolue sensiblement à court terme. Il est hors de question pour Pékin d'agir brutalement. Une réévaluation massive pourrait provoquer un afflux de capitaux indésirable et causer un grave préjudice aux filières exportatrices. D'ailleurs, la situation est aujourd'hui beaucoup moins tendue sur les marchés. Le recul de l'euro a déjà entraîné une augmentation du taux de change effectif du yuan en 2010. Il serait étonnant qu'il s'apprécie de plus de quelques points en pourcentage face au dollar l'an prochain.
Avenir préoccupant
En revanche, à long terme, l'inflexion du discours chinois montre combien les autorités sont préoccupées par l'avenir du yuan. Sur la durée, il semble préférable que la monnaie gagne en valeur et en flexibilité. Le pays n'aurait plus besoin d'accumuler des réserves de devises gigantesques pour que les variations du yuan épousent celles du dollar. Il verrait aussi baisser la facture de ses importations de matières premières.
Encore faut-il que les paroles soient suivies d'effets. Aux Etats-Unis, les farouches détracteurs de la Chine surveilleront d'encore plus près la parité yuan-dollar pour s'assurer qu'elle se modifie bien. Si rien ne se passe, ou s'il s'avère que le yuan recule encore face au dollar, il faut s'attendre à ce que les Américains se montrent plus déterminés que jamais à exercer des représailles.
John Foley
(Traduction de Christine Lahuec)
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