Les Echos, no. 20689 - Idées, mercredi, 2 juin 2010, p. 14
Les conflits salariaux qui se déroulent actuellement en Chine méritent sans doute davantage notre attention que bien d'autres événements. En quelques jours, deux entreprises de taille mondiale ont été confrontées à des revendications à la fois fortes et inédites : Honda et Foxconn, le plus grand sous-traitant électronique de la planète - où le malaise dépasse la seule question des rémunérations puisque une dizaine de suicides ont été constatés. Et le plus nouveau est que dans les deux cas, ces firmes aguerries ont dû plier et accorder des hausses de salaire substantielles, autour de 20 %, pour une partie de leurs ouvriers.
Ces tensions sont porteuses de sens pour l'avenir à un triple titre. Sur le plan social, elles démontrent que les salariés chinois sont capables de révolte et prêts à braver les consignes d'un Parti communiste campé sur la fiction de « l'harmonie sociale ». Les ouvriers venus en masse des campagnes ne sont plus disposés à accepter les mêmes conditions de travail et de vie - notamment la flambée de l'immobilier, qui ressemble de plus en plus à une bulle -que leurs parents beaucoup plus conciliants.
La leçon est aussi économique. Les écarts de rémunérations restent et resteront évidemment considérables entre l'« atelier du monde » et, justement, le reste du monde. Ne serait-ce que parce l'armée de réserve - pour prendre un terme marxiste -de la main-d'oeuvre peu qualifiée est immense. Mais, peu à peu, pas à pas, la Chine entame sa transition économique : le rattrapage salarial est en cours pour les cadres de haut niveau et le fossé va arrêter de se creuser pour les ouvriers.
Enfin, sur le plan politique, c'est une question qui est posée à Pékin. Le gouvernement doit arbitrer entre sa volonté de continuer à séduire les investisseurs internationaux avec sa compétitivité coûts et sa promesse de rééquilibrer la croissance chinoise vers le pouvoir d'achat et la consommation intérieure. Il n'est pas impossible que la stabilité du régime dépende en partie de son choix.
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