En Chine, la programmation des introductions en Bourse est une décision politique. A la demande pressante des plus hauts dirigeants, les banques s'activent à préparer celle d'Agricultural Bank of China (Agbank) pour le mois de juillet, une opération susceptible de battre tous les records mondiaux puisqu'elle pourrait lever jusqu'à 30 milliards de dollars (24,6 milliards d'euros). Mais Pékin aurait peut-être intérêt à patienter un peu.
Cela fait longtemps que la banque publique Agbank souhaite entrer en Bourse. Elle aspire à la respectabilité dont ses égales jouissent déjà en étant cotées. Mais voilà : elle n'est pas vraiment prête. C'est la plus faible des " Big Four " chinois (Bank of China, China Construction Bank, ICBC et Agbank), à la fois en termes de qualité des actifs et de rentabilité. Malgré un assainissement en profondeur, sa capitalisation reste frêle et son taux de créances douteuses élevé en comparaison des autres établissements du pays.
Le moment n'est pas forcément le mieux choisi pour mettre les titres en vente. Le cours des valeurs bancaires chinoises a chuté d'environ 20 % au cours des six derniers mois. D'après ses banques-conseils, Agbank vise une cotation correspondant à deux fois sa valeur comptable. Cependant, il est peu probable qu'elle réussisse à faire mieux que la Bank of China, pour qui le multiple est de 1,7. Et si la demande n'est pas au rendez-vous, Agbank ne pourra même pas prétendre à ce résultat.
Marché asséché
Pour la Chine, une introduction de cette ampleur poserait aussi certains problèmes, car elle assécherait le marché et condamnerait d'autres financements. Il serait en effet question d'absorber les trois cinquièmes des moyens disponibles, soit l'équivalent de l'ensemble des entreprises ayant rejoint la cote d' Hongkong ou de Shanghaï en 2009, si l'on en croit la World Federation of Exchanges. Les trois autres grandes banques, qui ont prévu de lever 20 milliards de dollars, sont contraintes d'attendre leur tour.
Pékin met toujours un point d'honneur à tenir ses objectifs. Certaines rumeurs évoquent l'idée que le gouvernement pourrait acheter des actions de concurrents d'Agbank avant l'introduction en Bourse de cette dernière, pour indirectement pousser les valorisations. Mais en retardant la cotation d'Agbank, Pékin se donnerait du temps pour en renforcer le capital et la gestion du risque à l'abri des regards inquisiteurs du marché, avec la perspective d'obtenir un prix bien plus alléchant sur un marché en meilleure santé.
Wei Gu
(Traduction de Christine Lahuec)
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