Le chaud d'abord, puis le froid. Dans un premier temps, la Banque populaire de Chine (banque centrale) annonçait, samedi 19 juin, son " désir de poursuivre la réforme du taux de change du renminbi - ou yuan - , d'accroître sa flexibilité ". Les grands partenaires commerciaux de Pékin saluaient alors la bonne nouvelle.
Enfin Pékin se montrait disposé à accéder à la principale requête de Washington, comme de Bruxelles ou de Tokyo : renchérir sa devise. Le président américain Barack Obama évoquait " une avancée constructive ". Son secrétaire au Trésor, Tim Geithner, parlait d'un " pas important ". " Le test, ajoutait-il, prudent, sera de voir de combien et à quelle vitesse la devise - chinoise - sera appréciée. " " Je suis impatient d'aborder ce sujet lors du prochain sommet - du G20 - au Canada ", avait conclu M.Obama - ce sommet aura lieu à Toronto les 26 et 27 juin -, confirmant qu'il avait bien l'intention d'y faire progresser ce débat. Et il avait envoyé une lettre en ce sens aux dix-neuf autres pays membres, vendredi.
Las, dimanche, un porte-parole de la banque centrale chinoise a douché cet enthousiasme : non seulement " l'ajustement du taux de change du renminbi sera graduel ", a-t-il déclaré, comme pour mieux décevoir les espoirs de M. Geithner, mais Pékin juge par ailleurs qu'aucune " importante variation " n'est nécessaire à court terme. Aux Etats-Unis, cette partie de cache-cache en préambule des rencontres à venir au Canada apparaît à la plupart des commentateurs comme une tentative chinoise de masquer son recul face aux pressions. " Mépris des règles "
L'essentiel reste l'acceptation à terme par Pékin d'une réévaluation de sa devise, laquelle intervient juste après que les Etats-Unis ont montré les crocs. Le 10 juin, M. Geithner, parlant devant la commission des finances du Sénat, formulait les accusations les plus dures contre Pékin depuis sa visite en Chine, début avril. " Le sujet, ce n'est pas le protectionnisme américain, c'est le mépris des règles du commerce libre par la Chine, déclarait-il. Nous voulons que la croissance de la Chine à l'avenir suscite plus d'exportations des Etats-Unis et plus d'emplois aux Etats-Unis. (...) Un yuan plus fort serait bénéfique pour la Chine : il augmenterait le pouvoir d'achat des ménages et encouragerait les entreprises à réorienter la production vers la demande intérieure plutôt que les exportations. "
Tout était dit. Washington ne se satisfait pas de la petite amélioration récemment constatée de ses échanges avec la Chine. Leur solde reste le plus élevé de la planète entre deux Etats - soit moins 227 milliards de dollars (182 milliards d'euros) en 2009. Cela, bien que Pékin soit passé de dixième destination américaine à l'export en 2000 à la troisième place en 2009. " La Chine pourrait devenir le premier marché extérieur des Etats-Unis ", a pronostiqué M. Geithner au Sénat si sa croissance bénéficiait plus à sa propre population; et donc... aux ventes locales de produits américains.
A une question posée par le sénateur démocrate Charles Schumer qui évoquait l'ouverture d'un débat parlementaire sur des " sanctions antidumping " contre la Chine si Pékin ne se montrait pas plus coopératif, M. Geithner avait répondu qu'il n'était pas hostile à l'adoption en dernier recours de mesures contraignantes (dépôts de plaintes et taxations douanières). A Washington, on juge que cet avertissement a porté.
Sylvain Cypel
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