Le français a attaqué ce marché ultradynamique par ses provinces du Sud-Ouest et en se concentrant sur le ciment.
Pour l'instant, c'est un immense terrain vague au coeur de Chongqing, la ville-champignon de l'Ouest chinois qui compte 32 millions d'habitants. Mais un coup d'oeil à la maquette installée par le promoteur immobilier dans ses bureaux suffit à s'en convaincre : bientôt, un nouveau quartier baptisé Tiandi va sortir de terre ici. Avec une tour haute de plus de 400 mètres et une forêt d'immeubles. En tout, trois millions de m² où se côtoieront des commerces, des habitations et des bureaux.
En Chine, les projets comme celui-ci se multiplient depuis dix ans. Et la course à l'urbanisation, synonyme de nouvelles constructions, se poursuit à un rythme effréné. En 2025, 59 % de la population habitera en ville contre 48 % aujourd'hui. Une manne pour Lafarge, le spécialiste des matériaux de construction. « Entre 2004 et maintenant, nous sommes passés d'une production de 3 millions de tonnes de ciment à 25 millions de tonnes, souligne Sang Kang, le directeur général de Lafarge Shui On Chine. Cela nous situe dans le top 10 des fournisseurs de ciment dans le pays. »
Et, entre les ouvertures de sites prévues et les acquisitions de concurrents envisageables, le groupe compte monter à 35 millions de tonnes dès l'année prochaine. Pas de quoi menacer le leader du marché, le chinois CNBM, dont la capacité est de 144 millions de tonnes, mais tout de même une bonne entrée en matière pour le groupe français qui fait la course en tête parmi les étrangers sur ce territoire. « Ici, nous réalisons un chiffre d'affaires de 500 millions à 1 milliard d'euros et notre filiale fait des profits depuis trois ou quatre ans », affirme le PDG du groupe, Bruno Lafont (PHOTO).
Des règles simples
Une montée en puissance qui obéit à quelques règles simples. Lors de son implantation en Chine, en 1994, Lafarge a concentré tous ses efforts sur un seul produit, le ciment. « Nous avons fait ce choix car, dans les pays émergents, le ciment est la matière première numéro un (hors alimentaire), explique Bruno Lafont. Le béton prêt à l'emploi et le plâtre viennent ensuite. » De fait, aujourd'hui, Lafarge a quelques centrales à béton et des usines de plaques de plâtre en Chine. Mais ces activités restent accessoires.
Autre pari, le groupe n'a pas cherché à se développer sur la Chine côtière qui concentre pourtant les villes les plus développées (Shanghaï, Canton, Shenzhen...). Il s'est implanté dans le sud-ouest du pays. D'abord dans le Sichuan et à Chongqing. Puis dans des régions limitrophes (Guizou et Yunnan). Des territoires pour lesquels le pouvoir central chinois était favorable à des investissements. Résultat : Lafarge a pu créer quelques cimenteries mais aussi en racheter qui appartenaient à l'État. « En étant concentrées dans une partie du pays, nos équipes commerciales et industrielles rayonnent plus facilement sur la totalité de nos sites », estime Isidoro Miranda, coprésident de l'activité ciment chez Lafarge. Mais c'est la fusion en 2005 avec Shui On, un producteur hongkongais de ciment très présent dans le Sichuan, qui a accéléré le développement. Ce joint-venture au sein de laquelle Lafarge a réussi à obtenir la majorité des parts lui a apporté de nouveaux sites et lui a permis de s'implanter dans le Yunnan et le Guizou. En tout, le groupe aura investi entre 600 et 700 millions d'euros en Chine.
Il y a aussi acquis une expérience utile partout ailleurs. « Les Chinois sont capables d'ouvrir de nouvelles capacités de production en dix-huit mois quand en Europe nous mettions trente-six mois, raconte Bruno Lafont. Depuis que nous sommes implantés là-bas, nous avons réussi à réduire nos délais en Europe. » Par ailleurs, Lafarge a trouvé dans l'empire du Milieu des équipements deux fois moins chers qu'ailleurs, qu'il a ensuite installés dans ses cimenteries en Équateur, en Zambie et en Afrique du Sud.
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