mercredi 21 juillet 2010

La Chine, inquiète, déprécie légèrement le yuan - Arnaud Rodier

Le Figaro, no. 20517 - Le Figaro Économie, mardi, 20 juillet 2010, p. 23

Pékin fait un geste en faveur de ses exportateurs, alors que la reprise mondiale ralentit. Le yuan est au plus bas depuis deux semaines.

La décision de la banque centrale chinoise de baisser hier de 0,12 % le cours pivot de sa monnaie, pour la ramener à 6,78 yuans pour un dollar, n'est pas anodine. Elle confirme que la Chine juge que la reprise de l'économie mondiale est « très lente », selon l'expression de son premier ministre, Wen Jiabao.

Depuis le 19 juin dernier, le cours pivot du renminbi, autre appellation du yuan, est fixé chaque jour par la banque qui le laisse fluctuer dans une limite de plus ou moins 0,5 % vis-à-vis du billet vert. Alors qu'elle avait gagné 0,8 % depuis cette date, la monnaie chinoise est retombée hier à son plus bas depuis deux semaines, à 6,78 yuans pour un dollar.

Le gouvernement contrôle parfaitement la croissance de son pays. Les mesures qu'il a prises pour éviter une surchauffe, notamment dans l'immobilier, ont porté leurs fruits. Le PIB (produit intérieur brut) chinois n'a progressé que de 10,3 % au deuxième trimestre, contre 11,9 % au premier.

Wen Jiabao s'en félicite, mais il estime que son pays, compte tenu des « incertitudes » qui pèsent dans le monde, doit « augmenter la demande intérieure tout en stabilisant la demande de l'étranger ». Or hier, le Centre d'information d'État, un organisme qui dépend de la Commission de la réforme et du développement national, a publié un rapport qui estime que la croissance des exportations chinoises au second semestre de cette année ne dépassera pas 16,3 % en volume, contre un bond en avant de 35 % pour les six premiers mois de l'année. Elle n'explique pas son calcul, mais il est clair qu'elle s'attend à un ralentissement des flux commerciaux dans le monde. Elle redoute probablement aussi les conséquences des hausses des salaires dans les entreprises chinoises sur la compétitivité du pays.

« Nous poursuivrons une politique budgétaire qui anticipe les événements et une politique monétaire qui reste relâchée de manière adaptée », rappelait la semaine dernière Wen Jiabao à l'occasion de la visite de la chancelière allemande, Angela Merkel. Et de réaffirmer sa confiance dans la zone euro en soulignant que la Chine était soucieuse de diversifier ses énormes réserves de change (2 454 milliards de dollars fin juin) en achetant d'autres monnaies que le dollar, du yen japonais et de l'euro en particulier.

Pressions trop fortes

Mais les Chinois sont inquiets. La baisse des prix à la consommation aux États-Unis en juin, pour le troisième mois consécutif, leur fait craindre un risque de déflation outre-Atlantique. Déflation qui entraîne les consommateurs à repousser indéfiniment leurs achats et qui dissuade les entrepreneurs d'investir.

Pékin sait parfaitement qu'à long terme une réévaluation du yuan permettra à ses exportateurs d'améliorer la gestion de leurs entreprises, de monter en gamme et de renforcer leur compétitivité. C'est le discours que lui tiennent les Américains et les Européens qui ajoutent qu'une telle opération contribuera en outre à « réduire les pressions inflationnistes provenant de l'extérieur ».

Mais à court terme les autorités chinoises pensent que les pressions seront trop fortes. Du coup, même si elle continue d'affirmer qu'elle maintiendra un « régime de taux de change flottant contrôlé », les spéculations vont bon train pour dire qu'elle limitera les hausses de sa monnaie pour défendre ses exportateurs.

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