Les marchés émergents se heurteront un jour ou l'autre aux mêmes problèmes que les pays développés, pronostique Mark Mobius. Mais cette crise n'est pas pour tout de suite. Le gérant « star » des marchés émergents est plutôt confiant pour leurs perspectives de moyen-long terme. Il s'explique dans une interview aux « Echos ».
Mark Mobius, président exécutif de templeton asset management
Quels sont les principaux risques qui pèsent actuellement sur les marchés ?
Je ne crois pas à un scénario de « double dip » (une rechute de l'économie) dans les pays développés. Les autorités ont pris les mesures nécessaires et Barack Obama veut être réélu. Toutefois, les craintes vont continuer de pénaliser les marchés jusqu'à ce que l'on ait une confirmation de la reprise de l'emploi aux Etats-Unis. Le principal risque à plus long terme concerne les marchés dérivés : les contrats dépassent les 600.000 milliards de dollars en 2009, soit plus de 10 fois le PIB mondial ! Le marché n'est pas suffisamment réglementé. On risque à tout moment un nouvel accident : il y a déjà eu dans le passé d'importantes pertes dans des établissements financiers, comme Citic Pacific.
Vous êtes un spécialiste des marchés émergents. Comment les voyez-vous évoluer dans les prochains mois ?
La volatilité devrait être encore de mise. Les marchés devraient évoluer dans une fourchette de plus ou moins 10 % dans les tout prochains mois, avant de remonter, plutôt en fin d'année. Il faudra attendre que les introductions soient absorbées, notamment en Asie, pour que les Bourses reprennent une nette progression. Nous attendons encore 94 milliards de dollars d'entrées à la cote cette année, dont celle géante d'Agricultural Bank of China. D'ailleurs, l'abaissement du prix d'introduction n'est pas un sujet d'inquiétude : il reflète seulement la sélectivité des investisseurs. Nous sommes confiants pour le moyen-long terme : nous anticipons une hausse de 10 % du MSCI Emerging Markets sur l'ensemble de 2010 et une croissance plus marquée en 2011. Les valorisations sont attractives : le ratio cours/bénéfices 12 mois est autour de 11, contre 28 au plus haut de mai 1998. Les perspectives de résultats sont encourageantes. Les bénéfices ont moins baissé que dans les marchés développés en 2009 et devraient grimper de 20 % cette année.
Les marchés émergents ont moins souffert que les Bourses européennes au premier semestre_
Oui, et c'est un phénomène relativement nouveau, qui montre une certaine forme de découplage. Les marchés émergents n'ont pas été épargnés par la crise, mais ils n'ont pas amplifié le phénomène. L'environnement macroéconomique est très différent. En particulier, l'environnement de croissance : nous tablons sur une hausse du PIB de 6,6 % pour les émergents, contre 2,2 % pour les marchés développés. Mais les marchés émergents se heurteront un jour ou l'autre aux mêmes problèmes que leurs homologues. Il y aura sans doute dans le futur une crise de la dette. Toute la question est de savoir quand_ Pas tout de suite !
Ne craignez-vous pas qu'un ralentissement en Chine ne remette en cause la progression des marchés ? Pensez-vous qu'une bulle immobilière menace d'exploser ?
Les autorités ont déjà joué sur l'offre de monnaie. Mais elles n'ont aucun intérêt à faire un resserrement brutal de la politique monétaire. Elles agiront de façon progressive par d'autres moyens qu'une hausse des taux d'intérêt. Même si elles veulent éviter la surchauffe et l'inflation, les autorités ne veulent pas casser la croissance, qui devrait être autour de 10 % en 2010. C'est plus la crainte d'inflation que le risque d'inflation réelle qui pèse. Quant à la bulle immobilière, les prix ont certes grimpé, mais cela reste limité aux grandes villes. Oui, il y a une bulle, mais elle n'est pas sur le point d'éclater. Avec une hausse de leurs revenus, les Chinois ont les moyens de faire face à la progression de l'immobilier.
Quels secteurs et quels marchés privilégiez-vous ?
Les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), avec une préférence pour la Russie, ainsi que l'Indonésie, la Turquie et la Thaïlande, mais nous sommes plus prudents sur Taiwan et la Corée du Sud, où les participations croisées dans les conglomérats compliquent la valorisation des actifs. Nous avons une surpondération sur la consommation et les matières premières et nous évitons les télécommunications et la technologie « hardware », compte tenu des valorisations élevées.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARINA ALCARAZ
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