Gheyret Niyaz, un reporter ouïghour du Journal économique du Xinjiang, a été condamné vendredi à quinze ans de prison pour «mise en danger de la sécurité de l'Etat». Selon ses amis, son seul crime est d'avoir accordé une interview au magazine de Hongkong Asiaweek un mois après les émeutes antichinoises d'Urumqi, la capitale du Xinjiang (au moins 197 morts le 5 juillet 2009). «Niyaz n'avait qu'une chose en tête, c'était d'aider le gouvernement», a expliqué un enseignant d'Urumqi à Radio Free Asia. Pour celui-ci, ce genre de verdict ne peut qu'«élargir le fossé» entre Pékin et les Ouïghours - l'ethnie musulmane et turcophone majoritaire au Xinjiang.
Selon son épouse, après le verdict, Niyaz a parlé aux trois juges. «Il a dit: "Oui, un membre des médias étrangers m'a interviewé. Je lui ai dit ce qui s'est passé à Urumqi. Mais je n'avais aucune intention maligne à l'encontre du gouvernement. Je ne comprends pas pourquoi la cour m'inflige quinze ans de prison. Je vais faire appel. Je n'ai fait que ce que je devais faire, en tant que citoyen et en tant que journaliste."»«Niyaz n'est pas contre les Han [les Chinois de souche, ndlr]. Il est procommuniste et progouvernement», explique un autre de ses amis. L'entretien à Asiaweek avait été publié le 2 août dernier et aussitôt relayé sur les blogs et twitters chinois. Niyaz y affirmait qu'il avait alerté les autorités de l'imminence d'une émeute, en raison des discours enflammés de l'indépendantiste Rebiyah Kadeer, en exil à Washington, répercutés par la radio Voice of America.
Contrairement à la version officielle, selon laquelle les émeutes ont été planifiées par Kadeer, Niyaz expliquait que les heurts interethniques avaient des raisons profondes : la politique forcée d'assimilation linguistique et le programme quasi obligatoire d'envoi de jeunes travailleurs ouïghours dans les zones côtières de Chine. «On peut blaguer sur tout devant un Ouïghour, sauf sur les femmes de sa famille. La plupart des ouvrières envoyées dans le cadre de ce programme sont de jeunes filles de 17 ou 18 ans. Les anciens l'affirment :"60% d'entre elles vont devenir prostituées, et les autres vont épouser des Han."»
Pour Niyaz, les émeutes, non préméditées, ont été «organisées par le Hezb-ut-Tahir al-islami», formation islamiste fondée par un Afghan et composée de jeunes peu éduqués venus des campagnes. Témoin direct des émeutes, il dit avoir vu des groupes d'une centaine de jeunes se déplaçant «de manière très ordonnée». Selon lui, ils n'étaient pas armés. «Ils criaient "tuez les Han" et "établissons un pays islamique où la charia [loi islamique] sera appliquée".»
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