Un peu plus de deux semaines après l'attribution du prix Nobel de la paix au dissident emprisonné Liu Xiaobo, la contre-offensive du régime chinois bat son plein : les militants, les intellectuels et les avocats identifiés comme libéraux ont pour la plupart été placés sous surveil-lance.
Un long portrait à charge de Liu Xiaobo circule dans la presse. Le dissident y est décrit comme un " instrument " de l'Occident ayant vécu dans le luxe grâce aux largesses de la presse étrangère et de bourses américaines. Plusieurs déclarations de l'écrivain sorties de leur contexte sont utilisées pour prouver combien il est antichinois.
Dans un communiqué publié jeudi, Reporters sans frontières a jugé l'article " digne des campagnes maoïstes des années 1960 " et a demandé au président chinois, Hu Jintao, qui sera en visite en France les 4 et 5 novembre, d'" intercéder afin d'obtenir la libération de Liu Xiaobo et de tous ceux qui le soutiennent ". Le 25 octobre, quinze lauréats du prix Nobel de la paix ont appelé les dirigeants du monde à faire sentir au numéro un chinois, lors du sommet du G20 à Séoul, les 11 et 12 novembre, " combien une libération de Liu Xiaobo serait bienvenue ".
" Le droit chemin "
Alors que les débats sur la réforme politique, amenés par les déclarations, ces derniers mois, du premier ministre, Wen Jiabao, en faveur de la liberté d'expression et de la justice, se sont poursuivis dans les médias jugés comme libéraux, personne ne doute qu'une riposte est désormais à l'oeuvre de la part des éléments les plus conservateurs du parti.
Dans un article publié mercredi en " une " et signé d'un pseudonyme qui rappelle en chinois l'expression " retour dans le droit chemin ", le Quotidien du peuple a loué le système politique actuel qui " correspond à nos conditions nationales propres et qui est plein de vigueur ", condamnant à l'échec toute tentative d'imposer en Chine un " système démocratique à l'occidentale ".
Une jeune femme qui avait annoncé le 24 octobre sur Internet qu'elle féliciterait Liu Xiaobo pour sa récompense lors d'une manifestation antijaponaise à Chongqing le 26, a été, selon d'autres internautes, arrêtée dans la nuit de mardi. Relâchée le soir, elle serait toujours bloquée chez elle. Le site Boxun, basé aux Etats-Unis, mentionne des représailles après un article virulent du China Youth Daily contre les réformes à l'université de Pékin, où des étudiants qui auraient fait montre d'une trop grande joie ont été interrogés.
A Pékin, le militant Zhang Hui, qui a créé en 2008 un centre d'études des droits constitutionnels, recense 39 personnalités chinoises assignées à résidence ces dernières semaines - comme l'écrivain Yu Jie, l'internaute Liu Di ou l'avocat Pu Zhiqiang.
La prochaine étape critique est celle de la remise du prix à Oslo le 10 décembre. Selon une lettre attribuée à Liu Xia, l'épouse de Liu Xiaobo, celle-ci aurait invité 143 personnes, pour la plupart des militants et des intellectuels, à se rendre à Oslo le mois prochain. Mais personne n'est en mesure de la joindre pour confirmer.
Brice Pedroletti
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