samedi 30 octobre 2010

En Chine, la « carte du sang » de l'immobilier sur le Net - Brice Pedroletti

Le Monde - International, samedi, 30 octobre 2010, p. 8

Un internaute répertorie sur le logiciel Google Maps les conflits liés aux expropriations

Les expulsions par la force, souvent au mépris des lois, et les incidents auxquels celles-ci donnent lieu ont inspiré un internaute chinois : il a créé, sur le logiciel Google Maps, une « carte du sang » de l'immobilier chinois où sont répertoriés une centaine d'incidents récents.

La carte est participative. Chaque internaute peut apporter sa contribution - sur le modèle de l'encyclopédie Wikipedia. La précision du logiciel permet de localiser l'emplacement où a eu lieu l'incident afin, signale le créateur, de boycotter l'achat des nouveaux logements construits à la place de ceux qui ont été détruits.

La multiplication des conflits autour du niveau de dédommagement en cas d'expulsion a conduit à des formes extrêmes de protestation comme les immolations par le feu de propriétaires récalcitrants. Elles sont indiquées par des flammèches sur la carte alors qu'un lit d'hôpital symbolise la mort d'homme hors immolation. Une manifestation est représentée par un volcan.

L'un des derniers incidents en date, le 11 octobre, a eu lieu dans un village proche de Changsha, la capitale du Hunan. Les faits, rapportés par un message Twitter de l'avocat Xu Zhiyong, indiquent que Li Qiuxiang, 41 ans, a sauté dans la rivière après la démolition de sa maison. Elle a survécu mais a ensuite avalé du pesticide en présence des responsables de la démolition. Elle est décédée le 17 octobre, signale un message du journaliste Deng Fei, qui précise que la société de démolition a proposé 420 000 yuans de compensation (45 000 euros) à son mari pour clore l'affaire du suicide de son épouse, et 280 000 yuans pour la maison démolie.

Censure

Xuefangditu, ou « carte du sang de l'immobilier » répertorie également l'immolation par le feu, à Yihuang dans le Jiangxi, le 10 septembre, de trois membres d'une famille. Une jeune femme et sa mère ont survécu; l'oncle, lui, est décédé. Ce cas, tout comme celui de Tang Fuzhen, une femme qui, pour protéger l'entreprise familiale s'était immolée fin 2009, ont été largement couverts par les médias.

Alors que les questions des expulsions étaient taboues il y a quelques années, elles font désormais l'objet de débats, à un moment où la hausse des prix de l'immobilier exacerbe les tensions sociales. Il n'est pas dit que l'initiative de Xuefangditu soit du goût de la censure : plusieurs articles et blogs qui en ont parlé ces derniers jours sont désormais inaccessibles.


Sur le Web
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