Le 5e plénum du Parti communiste chinois pourrait examiner, à huis clos, l'orientation du régime.
L'attribution du Prix Nobel de la paix au dissident Liu Xiaobo, et la question de la réforme politique, dont le premier ministre Wen Jiabao s'est fait publiquement le promoteur ont donné un regain d'intérêt au 5e plénum du comité central du Parti communiste chinois qui devait s'ouvrir vendredi 15 octobre - pour quatre jours.
La réunion annuelle, qui se tient à huis clos, a pour but de fixer les grandes orientations économiques du prochain plan quinquennal (2011-2015), placées sous le signe, ont précisé les médias officiels, de « l'égalité sociale et de la justice ». Elle devrait également entériner la nomination, à la vice-présidence de la commission militaire de Xi Jinping, le successeur désigné de l'actuel président Hu Jintao après 2012.
L'évènement est aussi l'occasion pour les cercles pro-démocratie, mais également pour ceux qui, à l'intérieur du système, sont favorables à une libéralisation du régime, de tenter de faire entendre leur voix. Alors que de très nombreux avocats, intellectuels, et militants sont empêchés de sortir de chez eux ou ont été emmenés en dehors de Pékin, le philosophe Xu Youyu, ainsi que la professeure d'université Cui Weiping - deux des intellectuels les plus engagés - ont lancé un appel aux autorités.
Ils souhaitent les voir adopter « une attitude raisonnable face à l'attribution du Prix à Liu Xiaobo, et qu'au vu des réactions chaleureuses en Chine et à l'étranger que celle-ci a suscitées (...) la Chine rejoigne le courant principal des valeurs universelles et de la civilisation de l'humanité, afin d'établir l'image d'une grande puissance responsable ».
Le 11 octobre, une vingtaine d'anciens cadres du parti, dont certains eurent d'importantes responsabilités au sein des médias officiels, ont dénoncé, pour leur part, dans une lettre ouverte au Parlement, la « main noire » invisible du département central de la propagande du parti qui censure citoyens et journalistes (alors que la Constitution de 1982 garantit la liberté d'expression et de presse) mais aussi des officiels et... même le premier ministre. Les discours récents de Wen Jiabao sur la réforme politique ont été tronqués ou passés sous silence dans la presse, ont-ils précisé, exemples à l'appui.
« Après trente ans d'ouverture et de réforme, nous n'avons même pas atteint le degré de liberté d'expression et de presse auquel se trouvait Hongkong quand il était sous domination coloniale britannique », s'insurgent-ils en demandant un « démantèlement du système de censure au profit d'un système de responsabilité légale ». Ils listent plusieurs propositions de réforme des multiples instruments de contrôle de l'opinion, mais aussi de privatisation des médias.
La question de la censure du premier ministre Wen Jiabao qui, depuis son discours à Shenzhen le 21 août, a évoqué à plusieurs reprises le thème de la réforme politique, a été reposée après l'entretien qu'il a accordé, le 3 octobre, à Time magazine et à la chaîne américaine CNN. Soulignant le besoin de « réforme » en Chine, ses propos ont été interprétés - et exploités - comme un signe émergent de dissensions au sein du comité permanent du Politburo, le cénacle des neuf « empereurs » qui dirigent la Chine.
Nombre de journaux en ont profité pour donner la parole à des avocats et à des théoriciens des réformes, par exemple au sein de l'Ecole centrale du parti. Mais aussi pour rappeler les propos de M. Wen, au motif qu'il est en couverture cette semaine du magazine américain Time. Certains, comme Le Quotidien de Pékin, se sont fait rappeller à l'ordre, a appris le Monde. Le site du quotidien Guangming, pourtant proche du parti, a, lui, publié un essai, disparu depuis, de Hu Xingdou, un économiste libéral connu, intitulé Wen Jiabao : le héros du peuple chinois, dans lequel il décrit les difficultés auxquelles le premier ministre est confronté. Mais, assure-t-il, la majorité du peuple soutiendra le « véritable représentant de la Chine contemporaine ».
Alors que la ligne de défense de gouvernement dans l'affaire Liu Xiaobo est de dire que celui-ci est un « criminel », dûment jugé et condamné par les lois chinoises, les propos tenus il y a dix jours par Wen Jiabao sur CNN, prennent un sens nouveau : « Mon opinion est qu'un parti politique, à partir du moment où il est devenu le parti dirigeant, devrait être différent de ce qu'il était quand il se battait pour obtenir le pouvoir. Et la principale différence est que ce parti politique devrait agir en accord avec la Constitution et la loi », a-t-il déclaré dans une condamnation voilée du statu quo actuel. Nombre d'organisations, soumises à la ligne politique du parti, selon la chaîne de commande constituée par les millions de comités du parti implantés en son sein, agissent régulièrement en violation des lois et de la Constitution chinoise.
Reste, pour les avocats de Liu Xiaobo à tenter d'obtenir une révision du procès. Ils disent disposer d'une pile de documents sur les vices de procédure et les violations grossières de la loi et de la Constitution auxquelles ont donné lieu l'arrestation et le procès du dissident.
« Nous allons nous adresser à la cour qui a prononcé le verdict pour obtenir une révision. Elle n'accepte que 10 % des demandes. En outre, le cas de Liu Xiaobo est considéré comme sensible. Mais même si l'on n'a que 1 % de chance nous allons faire tout notre possible avec l'argument que Liu Xiaobo est innocent car il n'a fait qu'user de son droit d'expression », a expliqué au Monde Shang Baojun, le défenseur du Prix Nobel de la paix condamné à onze ans de prison pour « incitation à la subversion ».
Brice Pedroletti
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