vendredi 12 novembre 2010

Contre les grèves, les patrons rêvent de délocalisation - Jordan Pouille

Marianne, no. 708 - Repères Monde, samedi, 13 novembre 2010, p. 60

Voici six mois, à Foshan, dans le sud de la Chine, 1 800 jeunes ouvriers d'une usine automobile stoppaient les machines. Deux semaines de grève pour en finir avec les bas salaires, les heures supplémentaires impayées, la précarité et l'inefficacité d'un syndicat soumis aux autorités. Ce mouvement inhabituel paralysa la chaîne de production Honda à travers le pays. Craignant une contagion, les autorités locales promirent des réformes. Honda consentit une hausse du salaire de base de 47 %. Aujourd'hui, les réformes pointent leur nez et inquiètent le patronat. Dans la région du Guangdong (Canton), un projet de "loi consultative démocratique des entreprises" est en discussion. Ce texte prévoit que, dès qu'un quart des ouvriers contestera une décision dans une entreprise, un travailleur de leur choix ira négocier avec la direction. Un début de syndicalisme démocratique qui n'est pas du goût de tous. Non pas du Parti communiste, cette fois, mais de la Fédération des industriels hongkongais. Au prétexte d'un yuan sous-évalué affectant leurs marges, ceux-ci menacent de délocaliser leurs usines vers le "tiers-monde" chinois, la province du Hénan. "Même si ces industriels font du lobbying en versant des pots-de-vin aux officiels cantonais, cette réforme passera, assure Geoff Crothall, de l'ONG China Labour Bulletin, basée à Hongkong. Elle va permettre à la province de rester en pointe, en se débarrassant de ses usines polluantes. L'"atelier du monde" a besoin d'une main-d'oeuvre diplômée et d'industries de pointe." A Foshan, Honda devrait s'agrandir, nous ont assuré les paysans des environs, contraints de céder leurs terres. Mais les ex-grévistes déchantent. "Certes, on travaille de 8 heures à 16 heures, seulement cinq jours sur sept et les chefs ont appris à nous respecter. Mais que faire de notre temps libre ? Nos dortoirs sont en rase campagne, grogne Baihuan Lin, 19 ans. Heureusement qu'il nous reste Internet, grâce auquel on a pu organiser le mouvement... On recommencera si nécessaire."

PHOTO - Reuters
La grève chez un sous-traitant de Honda à Foshan en juillet dernier, a abouti à des réformes sociales, pas vraiment au goût du patronat chinois.

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