vendredi 26 novembre 2010

Inflation : Pékin redoute la révolte sociale - Julie Desné

Le Figaro, no. 20628 - Le Figaro Économie, vendredi, 26 novembre 2010, p. 20

La flambée des prix alimentaires atteint 10 % sur un an. Le gouvernement durcit sa politique de crédit.

Satisfaites de leur sortie de crise précoce, les autorités chinoises n'auront pas eu un répit de longue durée. Voilà que le spectre de l'inflation refait surface, suscitant des sueurs froides à Pékin. Le pouvoir craint que la hausse des prix proche de 5 % ne nourrisse le mécontentement des masses. Le sujet s'invite dans tous les forums de la Toile chinoise et les médias locaux en alimentent abondamment leurs colonnes. « L'inflation est perçue comme le plus gros risque auquel est confrontée l'économie de la Chine », jugeait avant-hier le très officiel Quotidien du Peuple dans un éditorial.

Les officiels multiplient leurs déclarations, pour montrer que la riposte est en marche. Avant-hier, la Banque populaire de Chine (PBoC), banque centrale chinoise, a promis de « normaliser » les conditions monétaires. Dans une déclaration sur le site de la PBoC, Hu Xiaolian, gouverneur adjointe de l'institution, a indiqué que des « instruments quantitatifs et tarifaires » seraient mis en place. En clair, de nouvelles hausses des réserves obligatoires comme des taux d'intérêt sont à envisager, comme le confirmait hier Xia Bin, un conseiller de la PBoC à Shanghaï. Pékin entend ainsi enrayer l'abondance de liquidités et endiguer l'afflux de capitaux spéculatifs qu'il désigne volontiers comme la source de ses maux.

Contrôler la spéculation

De son côté, la National Development and Reform Commission (NDRC), organe clé des réformes, se veut rassurante. Elle souligne le recul de 10 % sur les contrats à terme de sucre, d'huile de soja, de pétrole ou encore de coton depuis que le gouvernement a pris les premières mesures anti-inflation, mi-novembre.

D'après le Bureau national des statistiques (BNS), l'inflation est en hausse de 4,4 % sur un an, en octobre, contre 3,6 % en septembre, soit la plus forte accélération enregistrée en plus de deux ans. Ce rythme de progression des prix à la consommation est bien supérieur à l'objectif de 3 % du gouvernement central. Le BNS explique ces chiffres par une flambée de 10 % des prix alimentaires, qui représentent un tiers de l'indice. Certaines denrées atteignant même des hausses de 60 %.

Le premier ministre Wen Jiabao, soucieux de préserver l'« harmonie sociale » chère au pouvoir, a annoncé la semaine dernière des mesures visant à contrôler les prix, les réserves alimentaires et la spéculation dans le domaine agricole. Mais l'inflation chinoise vient surtout d'une abondance de liquidités dans l'ensemble de l'économie, en partie alimentée par deux ans d'envolée du crédit. Les banques chinoises ont prêté un niveau record de près de 1 000 milliards d'euros l'an dernier et 777 milliards sur les dix premiers mois de l'année. Hu Xiaolian a reconnu qu'il serait difficile de respecter l'objectif fixé par Pékin de 845 milliards pour 2010.

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