jeudi 25 novembre 2010

Philippe Houzé : «Les Galeries Lafayette de Pékin seront différents des autres magasins»


Les Echos, no. 20812 - Services, jeudi, 25 novembre 2010, p. 29

Philippe Houzé,
président du directoire du groupe Galeries Lafayette

Trois ans après la signature d'une lettre d'intention avec le groupe I.T Limited pour l'implantation des Galeries Lafayette en Chine, vous signez ce jeudi à Hong Kong un partenariat en vue de l'ouverture d'un premier magasin à Pékin en 2013. Pourquoi s'est-il écoulé autant de temps entre ces deux événements ?

Le grand magasin est certainement le métier le plus complexe de la distribution. C'est le plus lourd en matière de capitaux investis, il a des coûts fixes très importants et nécessite donc de générer de gros volumes et des marges élevées pour être rentable. En outre, ce format est difficilement exportable dans ce qu'il reflète la sociologie de son pays d'origine. Quant à la Chine, inutile d'insister sur le fait qu'il s'agit d'un marché lui aussi très complexe, ultracompétitif et avec des modes de consommation très différents des nôtres. Il était donc nécessaire de prendre notre temps. Notre partenaire, I.T Limited, dirigé par un jeune entrepreneur qui a eu l'intelligence à la fois de créer ses propres marques de mode jeune et de prendre des licences de marques internationales, nous a beaucoup aidé, à la fois pour choisir la ville, l'emplacement et pour imaginer le prototype du magasin. Nous avons constitué avec I.T Limited, qui a un parc de 350 magasins et a réalisé un chiffre d'affaires de 303 millions d'euros sur son exercice 2010, une coentreprise à 50-50 basée à Hong Kong, Galeries Lafayette (China) Limited, sous la direction de Laurent Chemla, qui est sur place depuis trois ans. Chacun des deux partenaires y a apporté un maximum de 15 millions de dollars Hong Kong.

Pourquoi avoir choisi Pékin plutôt que Shanghai, capitale économique et vitrine de la Chine moderne ?

Nous avons longtemps travaillé sur un projet à Shanghai. Il n'a pu finalement être mené à bien. Mais cela ne veut pas dire que l'on n'ira pas un jour. En attendant, nous avons préféré nous tourner vers la capitale, qui a peut-être l'image d'une clientèle plus conservatrice mais dont le potentiel est très prometteur, avec une population très diverse, beaucoup de fonctionnaires, d'étudiants et d'étrangers, avec la présence notamment des ambassades.

Ce magasin sera en fait un retour dans la capitale chinoise pour votre enseigne. Quelles leçons avez-vous tiré de l'aller et retour en Chine et en Asie dans les années 1990 ?

A l'époque, tout semblait possible, c'était une période pionnière. Le pays s'éveillait à l'Occident, une nouvelle marque arrivait mais c'était sans doute un peu tôt. Il nous a manqué alors le savoir-faire d'un partenaire et la demande pour notre niveau d'offre. Depuis, la Chine a fait en dix ans ce qui nous aurait pris trente années. Ce qui nous impose une grande précision dans le nouveau projet.

Les grandes marques de luxe françaises n'ont pas attendu les Galeries Lafayette pour développer un réseau de distribution important dans les grandes villes chinoises, et les touristes chinois, de plus en plus nombreux, découvrent le « chic français » dans votre navire amiral parisien. Quel positionnement auront les Galeries Lafayette de Pékin ?

Notre projet s'inscrit dans le cadre de la signature, ce jeudi 25 novembre, avec Financial Street Holdings, une société spécialisée dans l'immobilier commercial, d'un bail pour un immeuble, le Xidan Square. Celui-ci est en construction sur une des artères les plus commerçantes de la ville, non loin de la Cité interdite, qui compte déjà de nombreux centres commerciaux, dont Joy City, qui rencontre un grand succès. Notre grand magasin, d'une surface de vente de 18.000 mètres carrés, ouvrira ses portes mi-2013. Et d'ores et déjà, notre partenaire I.T Limited nous dit que son offre actuelle peut couvrir 6.000 mètres carrés. Nous ne devons pas sous-estimer la qualité et le nombre de nos concurrents, il faudra donc que les Galeries Lafayette de Pékin soient radicalement différents des autres grands magasins de la ville, plutôt organisés sous la forme de galerie marchande. Nous possédons un savoir-faire particulier et je compte sur l'énergie créatrice de nos équipes pour à la fois amener aux Pékinois une représentation de Paris [les Chinois sont la première clientèle étrangère en volume d'affaires dans notre magasin du boulevard Haussmann] et construire une offre de mode vivante avec un mix de haut de gamme et d'accessibilité unique. L'ensemble comprendra aussi un supermarché Gourmet et un « food court ».

Quelle est votre stratégie à l'international ?

L'expansion des Galeries Lafayette à l'international, cela représente d'abord une perspective d'avenir et un appel d'air pour nos jeunes cadres, nous en enverrons à Pékin et c'est aussi une occasion pour certaines de nos marques de tester le marché chinois. Mais, à ce jour, aucune enseigne de grand magasin, à l'exception de Debenhams, qui ne vend que des produits à sa marque, n'a réussi à s'internationaliser. Nous réalisons donc des tests sous des formes diverses et quand nous aurons un succès prouvé, nous pourrons alors véritablement déployer notre stratégie à l'international. C'est pratiquement aujourd'hui le cas à Berlin, où nous sommes en propre et avons trouvé notre place. Les Galeries Lafayette sont implantées dans le cadre d'un accord de licence à Dubaï, où nous venons d'y ajouter un Lafayette Gourmet de 3.000 mètres carrés, et le seront de la même façon dès septembre 2011 à Casablanca. En Indonésie, nous avons signé un accord de franchise avec un puissant opérateur local pour l'ouverture d'un grand magasin à Djakarta, dont l'emplacement est d'ores et déjà réservé, et sur lequel nous travaillons. Nous sommes en discussion pour le Qatar. Mais l'international n'est certainement pas la seule voie de développement de notre marque. La plus importante aujourd'hui passe par Internet avec notre site marchand qui fait l'objet de beaucoup d'efforts et d'investissement. Et puis il y a nos grands magasins français, qui continuent de réaliser des performances remarquables.

Vos ventes en France continuent donc sur les tendances observées à fin août, à savoir une progression de 13 % en cumul, et même de 25 % à Paris ?

Paris continue à la même vitesse prodigieuse, avec cependant une légère cassure observée en octobre due au climat et à un calendrier défavorable. En province, la tendance est plutôt favorable, et tout cela fera une très bonne année pour la marque.

Comment anticipez-vous les fêtes de fin d'année, dont plusieurs études laissent entendre qu'elles pourraient être marquées par des achats très raisonnés des Français ?

On nous promet un Noël frugal. Nous déployons toutes nos énergies pour réveiller chez nos clients leur appétit de consommer ! Enfin, pour 2011, je ne désespère pas que nous trouvions avec nos partenaires sociaux et la Ville de Paris un moyen de tester des ouvertures le dimanche pour mieux accueillir les touristes d'affaires et de loisirs qu'on nous annonce encore en très grand nombre.

ANTOINE BOUDET

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