lundi 6 décembre 2010

La remise du Nobel de la paix échauffe Pékin - Philippe Grangereau

Libération, no. 9196 - Monde, lundi, 6 décembre 2010, p. 8

La Chine menace les soutiens à Liu Xiaobo, qui, incarcéré, ne pourra recevoir son prix, vendredi.

Une quarantaine de personnalités de la dissidence chinoise en exil se sont donné rendez-vous vendredi à Oslo pour assister à la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix à l'écrivain chinois Liu Xiaobo. Le lauréat, qui purge onze ans de prison, ne pourra pas y assister. Pas plus que sa famille et ses amis, placés en résidence surveillée par la police chinoise, ou privés de sortie du territoire.

Le Comité Nobel envisage de disposer une chaise vide sur la scène pour marquer l'absence du célèbre dissident, qui fédère, malgré tout, de nombreux soutiens. Ce sera la première fois depuis la répression sanglante du mouvement prodémocratique de Tiananmen, qui fit un millier de morts en juin 1989, que tant d'exilés chinois se trouveront réunis. De l'astrophysicien Fang Lizhi, qui appela aux réformes politiques en 1986, à Chai Ling, la leader étudiante du mouvement de Tiananmen, en passant par Fang Zheng, un étudiant aux jambes écrasées par un char le 4 juin 1989. Au moins quatre personnalités politiques de Hongkong feront également le voyage à Oslo.

En Chine même, six dissidents de Hangzhou ont déposé, la semaine dernière, une demande d'autorisation pour manifester en soutien à Liu Xiaobo. Les officiels, qui les ont reçus, ont jeté leur demande écrite au sol en les mettant en garde : «Si vous refaites une demande de manifestation, vous en subirez les conséquences.»

Le gouvernement chinois a menacé les pays étrangers s'ils envoient des représentants à Oslo. Pékin tente l'impossible pour réduire le nombre de participants. Au moins trois personnes (l'avocat Mo Shaoping, l'économiste de 81 ans Mao Yushi et l'artiste Ai Weiwei) ont été empêchées de prendre l'avion pour l'Europe à l'aéroport de Pékin. Les agents qui les ont interpellés dans la salle de départ les ont informés qu'ils «mettaient en danger la sécurité nationale».

Dans une lettre ouverte publiée hier, l'ex-président tchèque Vaclav Havel et l'archevêque sud-africain Desmond Tutu exigent la libération «sans condition» de Liu Xiaobo. Fustigeant le soutien chinois aux dictatures soudanaise, birmane et nord-coréenne, ils jugent que «le monde doit rejeter avec force le modèle de développement chinois qui découple des réformes économiques et politiques en affirmant sans rougir que tout, y compris la répression intérieure et internationale, est justifiable tant que cela permet la croissance économique».

PHOTO - Protesters demand the release of jailed Nobel Peace laureate Liu Xiaobo in front of the Chinese Consulate in Los Angeles, California, on December 5, 2010, less than a week before the award ceremony in Oslo. Liu, a writer, was jailed in December 2009 for 11 years on subversion charges after co-authoring 'Charter 08', a manifesto that spread quickly on the Internet calling for political reform and greater rights in China.

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