jeudi 16 décembre 2010

LE MOT CHINOIS - "Jiaofeng" : Croiser le fer


Courrier international, no. 1050 - Asie, jeudi, 16 décembre 2010, p. 40

Lors de la remise du prix Nobel de la paix, le monde a assisté à un moment historique. Il n'est pas exagéré de dire qu'à propos de la chaise vide réservée à Liu Xiaobo et de la présence ou de l'absence de certains représentants étrangers à Oslo s'est engagé un bras de fer entre l'Occident et la Chine. Cet événement cristallise la confrontation entre les deux mondes. Le mot jiaofeng, où les deux caractères signifient respectivement "croisement" et "lame", désigne le moment décisif d'une lutte de longue haleine. De nombreux analystes chinois et occidentaux s'accordent à dire que, depuis 2008, la diplomatie chinoise a durci le ton et est passée à l'offensive. Après la politique du profil bas et de l'émergence pacifique, voici l'heure de l'affirmation et du combat frontal contre l'Occident ! Arrogance au sommet du climat de Copenhague, refus de condamner l'agression de la Corée du Sud par son voisin du Nord, modèle chinois contre valeurs universelles, autant de questions qui montrent que le revirement gagne tous les fronts. Héritiers du stratège Sun Zi, les dirigeants chinois savent qu'il ne faut jamais attaquer l'ennemi de front, sauf quand "on est cinq fois plus fort que lui". La Chine est-elle cinq fois plus forte que l'Occident ? Oui, si l'on considère son rang de deuxième puissance économique du monde, atteint en 2010, et sa croissance étourdissante à l'heure de la crise mondiale. Mais la faiblesse de Pékin réside davantage dans l'évaluation de sa propre force. L'existence de Liu Xiaobo et des dizaines de milliers de signataires de la Charte 08 révèle l'adhésion des Chinois eux-mêmes aux valeurs universelles. De ce fait, le bras de fer entre Chine et Occident devient tripartite : pouvoir d'un côté, démocrates chinois et Occident

Chen Yan

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