lundi 13 décembre 2010

Le pari macroéconomique de Pékin n'est pas tenable sur la durée - Wei Gu

Le Monde - Economie, mercredi, 8 décembre 2010, p. 14

Le gouvernement chinois dit vouloir adopter une politique monétaire prudente, et, dans le même temps, accroître la dépense publique. Mais la poursuite de deux objectifs aussi antagonistes pourrait bien compromettre la capacité du parti au pouvoir à contenir l'inflation; un relèvement des taux d'intérêt pourrait par ailleurs entraîner une appréciation du yuan, la devise chinoise.

Pékin a besoin d'une politique monétaire plus restrictive pour limiter l'inflation des prix à la consommation qui atteint maintenant 4,4 %, le taux le plus élevé que l'on ait observé depuis 25 mois. Mais les nouvelles mesures prises en la matière sont à peine plus sévères, et le taux de croissance de la masse monétaire fixé pour 2011 reste plutôt généreux.

D'après un conseiller de la banque centrale chinoise, le volume de crédit devrait croître de 1 000 milliards de dollars (750 milliards d'euros) en 2011. Le quota prévu pour les nouveaux prêts serait certes inférieur de 7 % à celui de 2010, mais assurerait tout de même... la troisième progression annuelle la plus élevée.

Par ailleurs, la politique de dépense publique du gouvernement nécessite un accroissement de la masse monétaire. Pékin songe à investir jusqu'à 1 500 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années dans des filières comme les énergies alternatives, et à développer plusieurs programmes de construction de logements sociaux. Si le budget de l'Etat augmente de 10 %, cela signifie que la dépense publique progressera de 130 milliards de dollars en 2011.

Fort heureusement, les décisions économiques ne sont jamais gravées dans le marbre en Chine. Pourtant, s'il veut vraiment jouer la prudence, ce pays doit aussi être prêt à en payer le prix. Or rien ne permet d'affirmer que c'est effectivement le cas.

Les autorités ont bien raison de réfléchir aux effets indésirables de leurs choix. Une hausse des taux d'intérêt pourrait provoquer une appréciation du yuan. Cela dit, une telle réévaluation aurait au moins la vertu de permettre le contrôle de l'inflation.

Pékin a toujours montré beaucoup de réticence à envisager ce genre d'option, redoutant un rebond des créances douteuses.

Pour le Parti communiste au pouvoir, il est impératif de modérer l'inflation, d'entretenir un niveau de croissance élevé et de mettre en place les conditions requises pour assurer la stabilité du taux de change. Chercher à atteindre ces trois objectifs en même temps est une tâche ambitieuse, voire impossible. Si Pékin se refuse aussi bien à sacrifier de la croissance qu'à laisser le yuan prendre de la valeur, il lui faudra probablement assumer un risque accru de flambée de l'inflation.

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