Fosun : retenez bien ce nom. Ce conglomérat est déjà le deuxième actionnaire du voyagiste qui prend pied dans le pays. Et ses dirigeants ont de grandes ambitions.
Il y fera sacrément froid. Mais pour rien au monde Guo Guangchang, président de Fosun, ne ratera l'inauguration, le 15 décembre, du premier village du Club Méditerranée en Chine. Ce jour-là, la réception à Yabuli (Mandchourie), station de ski réputée de l'empire du Milieu, en présence du patron du voyagiste, Henri Giscard d'Estaing, sonnera le départ de l'aventure chinoise de la marque au trident. Celle-ci passe aujourd'hui par un partenariat stratégique avec Fosun, deuxième actionnaire du Club Med avec 7,1 % du capital, et dont la participation, selon nos informations, devrait être portée à 10 % d'ici à la fin de l'année.
Une association inimaginable il y a à peine un an. Fort d'un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros, Fosun, un des principaux conglomérats chinois privés du pays, ne s'était jamais jusqu'ici intéressé au tourisme. Fondé en 1992 par quatre jeunes diplômés de l'université de Fudan (Shanghai), le groupe a commencé sa fulgurante ascension en misant sur la pharmacie avant de se lancer dans les mines d'or, l'acier, l'immobilier, puis les médias et Internet. "Ils se sont développés de manière opportuniste", souligne un expert. Profitant de la croissance exponentielle chinoise, "ils ont toujours su choisir les secteurs les plus prometteurs", ajoute André Loesekrug-Pietri, conseiller de Fosun et président du fonds d'A Capital Asia.
Lorsque le Club a recherché un partenaire local pour faire de la Chine son principal relais de croissance - avec l'objectif d'ouvrir cinq villages et de conquérir 200 000 clients d'ici à 2015 - Fosun n'était pas le premier sur la liste. Mais le groupe a su rapidement s'imposer aux yeux des négociateurs. "Nous cherchions un associé solide, montrant un véritable intérêt pour l'international", se souvient Thierry Dana, conseil du Club Med pour la Chine. Or, s'il n'est encore jamais sorti des frontières, le conglomérat peut faire valoir une assise financière exceptionnelle et une expertise dans l'immobilier, essentielle pour dénicher les meilleurs emplacements.
Guo Guangchang (voir l'encadré) et ses trois complices n'avaient "jamais entendu parler du Club Med avant le 23 mars 2010", s'amuse André Loesekrug-Pietri. Ce qu'ils désiraient avant tout ? Investir dans le luxe. Pas exactement le créneau du voyagiste. Mais ils cherchaient une nouvelle diversification. Guo a fini, au bout de deux mois et demi de palabres, par être séduit. "Le déclic a eu lieu lorsque, en visite dans un village du Club, il a vu des tables de huit personnes. Il s'est dit que cette conception des vacances correspondait à la mentalité des Chinois, connus pour se déplacer en tribu", explique André Loesekrug-Pietri.
La nature de l'accord, ensuite, a séduit les dirigeants de Fosun. Grâce à sa prise de participation, le groupe siège au conseil d'administration du Club Med et participe aux décisions à l'échelle mondiale. Il est force de proposition aussi pour construire, financer ou trouver les tours de table nécessaires à l'installation de villages en Chine.
Un accord gagnant-gagnant : il donne aux Chinois une vraie notoriété internationale et il crédibilise la stratégie de développement du Club en Asie. Laquelle pourrait s'accélérer encore. "Nous n'allons pas nous limiter à cinq villages d'ici à 2015", confiait cet été Guo Guangchang au quotidien Les Echos. Diplomate, le patron de Fosun répète qu'il s'agit d'un partenariat à long terme, amical, pour bien faire comprendre qu'il ne veut pas racheter le Club - d'ici à juin 2012, il ne peut d'ailleurs pas accroître sa participation au-delà de 10 %. Mais le jeune patron compte bien se servir de sa position d'actionnaire de référence (au côté de la Caisse des dépôts du Maroc) pour développer la marque au trident à marche forcée. Deux milliards de Chinois voyagent à l'intérieur du pays. Le pari de Fosun ? Qu'une partie d'entre eux deviennent des GM accros aux "crazy signs" et au nouveau Club "convivial et haut de gamme". En commençant, dès cet hiver, à Yabuli.
Fosun : le jeu de guo
Corinne Scemama
Ne dites pas à Guo Guangchang qu'il dirige l'un des plus grands conglomérats privés de Chine, il se croit professeur de philosophie. A 43 ans, le patron de Fosun continue de mettre en avant ses études à l'université de Fudan (Shanghai), là où il a rencontré ses trois camarades cofondateurs du groupe. Histoire de montrer que, même riche - avec 1 milliard d'euros, il est classé 20e dans la liste Forbes des grandes fortunes chinoises- il a su rester modeste. Malgré les distinctions qu'il a reçues, il continue à consulter ses collègues avant de prendre ses décisions : pour le Club Med, il a fait en sorte que chacun des associés rencontre Henri Giscard d'Estaing. Mais n'allez pas croire que ce patron adepte de tai-chi soit un doux rêveur : il a de l'ambition pour son groupe et espère atteindre le niveau de ses deux modèles, Li Ka-shing, le nabab hongkongais, et Warren Buffett, le milliardaire philanthrope.
© 2010 L'Express. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire