Les relations entre Pékin et le Vatican traversent une phase glaciale. Après avoir ordonné un évêque n'ayant pas reçu l'approbation papale en novembre, les autorités chinoises ont récidivé au plus haut niveau. Ma Yinglin, à la tête du diocèse de Kunming depuis 2006, suite à une consécration que Rome n'a pas reconnue, a été élu président de la Conférence des évêques, le rassemblement du haut clergé officiel chinois, par un vote à main levée et en l'absence de concurrent, le 9 décembre.
Le Vatican ne cache pas son exaspération. " En Chine, il n'y a toujours pas de liberté de religion, écrit l'influent cardinal Joseph Zen de Hongkong, un proche du pape Benoît XVI, dans une tribune publiée, mardi 14 décembre, sur le site de l'Union des catholiques d'Asie, dans laquelle il évoque une " action destructrice " et une " disgrâce pour le pays ".
" Un jeu dangereux "
Le Parti communiste chinois a la main haute sur les activités religieuses, placées sous son autorité depuis 1951, deux ans après sa prise de pouvoir. Ses relations avec le Vatican, qui reconnaît officiellement Taïwan, sont particulièrement houleuses. Mais depuis quatre ans, l'administration s'était montrée conciliante en consacrant des évêques faisant l'objet d'un consensus avec le Saint-Siège. Cette volonté de compromis a vécu.
Jia Qinglin, numéro quatre dans la hiérarchie des neuf membres du Comité permanent du Bureau politique du parti, le coeur du pouvoir, a mis en garde les catholiques de Chine contre " l'infiltration d'éléments étrangers hostiles ", lors de la conférence épiscopale du 9 décembre, selon l'agence officielle Chine Nouvelle.
Les catholiques en sont réduits à deviner pourquoi le gouvernement sabote le rapprochement entre l'Eglise officielle et les communautés faisant allégeance au pape. Anthony Lam, chercheur au Centre d'études du Saint-Esprit à Hongkong, suppose qu'il s'agit d'affirmation de puissance au sein de l'administration. " Le Bureau des affaires religieuses veut montrer qu'il contrôle la situation, qu'il n'a rien cédé de son pouvoir au Vatican, explique M. Lam. C'est un jeu dangereux car la confiance mutuelle retombe au plus bas ". Un autre observateur évoque une " ligne d'extrême gauche " au sein du parti.
L'affront suprême aura été de contraindre physiquement les réticents à prendre part aux célébrations controversées. Huit évêques ont été conduits de force à la cérémonie " illicite " d'ordination de Guo Jincai à la tête du diocèse de Chengde, le 20 novembre. La communauté est désormais divisée sur la posture à adopter. Beaucoup considèrent ces évêques comme des victimes mais certains, dont le cardinal Joseph Zen, pensent que malgré leurs réticences ils ont validé l'ordination et attendent donc le verdict papal. Plusieurs évêques ont également été forcés d'assister à la conférence épiscopale, dont celui du diocèse de Hengshui, dans la province du Hebei, emmenés par la police malgré les efforts de prêtres et de fidèles locaux pour faire barrage.
Pour ajouter à la confusion, Fang Xingyao, évêque reconnu, lui, par le Vatican, a pris la direction de l'Association des catholiques patriotes chinois, l'autre organe de l'Eglise officielle, sous tutelle directe du Bureau des affaires religieuses. Dans une lettre de 2007, le pape Benoît XVI rappelait l'incompatibilité absolue entre la doctrine de Rome et cette association sous contrôle gouvernemental.
Harold Thibault
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