mardi 7 décembre 2010

PORTRAIT - Hervé Ladsous, le navigateur de la diplomatie française

Les Echos, no. 20820 - Carnet, mardi, 7 décembre 2010, p. 13

Même en Chine, qu'il vient de quitter après quatre ans comme ambassadeur de France à Pékin, Hervé Ladsous laisse une image forte. Un diplomate « dynamique » qui a le « sens de l'amitié et de la communication », écrit ainsi « Le Quotidien du peuple », citant un universitaire de Pékin, Dong Qiang.

Il est vrai que le directeur du cabinet de la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, peut afficher une belle réussite dans la République populaire. Preuve de ce succès, l'ancien porte-parole du Quai d'Orsay (2003-2005) est parvenu à réunir 26 millions d'internautes pour visionner l'une de ses interviews sur Internet. Une performance médiatique, même dans un pays de 1,3 milliard d'habitants. Mais, surtout, le diplomate qui a commencé sa carrière comme vice-consul à Hong Kong en 1973, a fortement contribué par son action à surmonter la dernière crise de 2008 entre la Chine et la France. Modeste, Hervé Ladsous n'en est pas moins convaincu qu'il est toujours possible d'agir sur le cours des événements. « Cela n'a pas été toujours facile, mais nous ne sommes pas seulement des navigateurs d'eau calme. Il faut aussi faire face à des mers agitées », dit de son métier ce fils de « sous-marinier », né le 12 avril 1950 et qui a passé son enfance et sa jeunesse à suivre son père de port en port.

Négociateur et homme d'action

En pleine présidence française du G20, sa profonde connaissance de l'Asie et particulièrement de la Chine sera un atout d'autant plus précieux que le président Nicolas Sarkozy est bien décidé à s'appuyer sur Pékin pour faire avancer son agenda. Cette sinophilie s'enracine chez lui dans la lecture, enfant, du récit des voyages de Marco Polo. Devenu étudiant après avoir passé son bac à Madagascar et appris l'anglais à Malte, il a l'intuition que la Chine, en plein soubresaut de la révolution, allait « devenir quelque chose de très grand ». Licencié en droit, il choisit la voie du concours d'Orient, et non pas celle de l'ENA, en apprenant le chinois et l'indonésien.

A un moment crucial pour la diplomatie, secouée par la publication de milliers de télégrammes qui mettent dans l'embarras nombre de gouvernements, les talents de négociateur dont le directeur de cabinet a fait preuve dans les forums multilatéraux des Nations unies à Genève de 1986 à 1988 et à New York de 1992 à 1997 ou encore de l'OSCE à Vienne de 1997 à 2001, seront un autre atout appréciable. Talents de négociateur qui se doublent chez lui d'un réel intérêt pour les autres cultures et les pays où il a résidé - sans jamais pour autant perdre de vue son Aveyron familial -, mais aussi d'un tempérament d'homme d'action.

Sa vie de diplomate n'a pas été exempte de « moments chauds ». Chargé d'affaires à Haïti en 1991-1992, c'est sous les balles, en plein coup d'Etat, qu'il doit accueillir à la résidence le président renversé Aristide et des dizaines d'autres réfugiés. Devenu ambassadeur de France à Jakarta, il est aux premières loges, le 20 mai 2002, lorsque le Timor-Oriental proclame sa pleine et entière indépendance de l'Indonésie. L'année suivante, France 2 lui consacre même un reportage pour vanter son action après le terrible attentat de Bali d'octobre 2002 ou encore sa capacité à se fondre dans la foule afin d'assister à une cérémonie de purification en Indonésie. L'émission était intitulée « L'ambassadeur mouille sa chemise ». Joli compliment pour cet amoureux des embruns.

JACQUES HUBERT-RODIER

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