Le Figaro, no. 20636 - Le Figaro, lundi, 6 décembre 2010, p. 9
Des notes diplomatiques américaines publiées par WikiLeaks mettent en cause deux hauts dirigeants chinois.
Voilà qui, de toute évidence, embarrasse fort les dirigeants chinois et les représentants de Barack Obama à Pékin. Les dernières livraisons indiscrètes du site WikiLeaks concernent des dépêches diplomatiques mettant en cause deux hauts dirigeants chinois dans l'affaire du piratage de Google, au début de l'année.
Un télégramme rédigé par l'ambassade américaine en Chine, cité par le New York Times, explique qu'« un contact bien placé (un Chinois lié par sa famille à l'élite politique, NDLR) affirme que le gouvernement chinois a coordonné les récentes intrusions dans les systèmes de Google ».
Le problème de cette note, estampillée « secret », c'est qu'elle n'en reste pas à une mise en cause générale ou à celle d'un obscur institut d'informatique. Elle rapporte que « ces opérations ont été pilotées au niveau du comité permanent du bureau politique » du parti. Soit le saint des saints du pouvoir chinois. Deux de ses neuf membres auraient coordonné l'affaire : Li Changchun, numéro cinq et patron de la propagande, et Zhou Yongkang, le plus haut responsable chinois en matière de sécurité.
Une armée de pirates
Une note plus ancienne, datant de 2009, montrerait que Li Changchun aurait demandé de s'en prendre à Google après avoir réalisé que le moteur de recherche pouvait guider vers des récits peu à son avantage... Et une autre source affirme qu'un officiel de haut rang « travaille activement avec le moteur de recherche chinois Baidu contre les intérêts de Google en Chine ».
On apprend aussi que Pékin aurait mené une offensive contre Google Earth, demandant aux autorités américaines d'obtenir de la firme californienne qu'elle réduise la résolution d'images montrant des installations sensibles en Chine. Et menaçant de « conséquences graves » si elles étaient utilisées par des terroristes. D'autres câbles des diplomates américains affirment que les autorités chinoises ont recours à une armée de pirates informatiques « patriotes ». Une note du 3 novembre 2008 évoque une attaque d'envergure, qui n'avait pas été rendue publique, menée par des pirates basés à Shanghaï et liés à l'armée chinoise.
En mars dernier, Google avait annoncé qu'il n'obéirait plus à l'ordre du gouvernement chinois de censurer son moteur de recherche, après avoir été victime d'attaques informatiques coordonnées. Les comptes de messagerie Gmail de dissidents chinois avaient notamment été piratés. La secrétaire d'État, Hillary Clinton, avait demandé des « explications » à Pékin.
« Absurde » WikiLeaks
Le New York Times avait alors révélé que des attaques auraient été lancées depuis deux écoles chinoises, l'une d'elles entretenant des liens avec l'Armée populaire de libération (APL). La traque serait ainsi remontée à la prestigieuse Shanghai Jiaotong University et au plus obscur Lanxiang Vocational College, un établissement du Shandong qui formerait entre autres des informaticiens militaires. Selon des experts américains, un « consultant chinois indépendant », mais travaillant pour le gouvernement, serait à l'origine d'un code qui a été utilisé dans les attaques informatiques. S'attendant à des révélations la concernant, la Chine avait dès jeudi qualifié d'« absurde » le contenu du sulfureux site, sans plus de commentaires.
À Pékin, on redoute d'autres analyses déplaisantes faites depuis l'ambassade américaine. WikiLeaks avait déjà suscité l'attention courroucée des dirigeants chinois l'été dernier, quand le site avait mis en ligne une série de vidéos censurées sur les émeutes de Lhassa de 2008. Au mois d'août 2010 aurait même été convoquée une réunion au sommet pour organiser la riposte sur ces fuites, ainsi que sur celle du site chinois Boxun. Un défi nouveau et déstabilisant pour un régime qui a érigé en dogme la confidentialité, et fait un usage des plus larges de la notion de « secret d'État ».
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