Pékin vient d'autoriser JP Morgan et Morgan Stanley à lancer de nouvelles activités dans le pays. Ces dernières se gardent de tout enthousiasme excessif devant un marché très largement dominé par des acteurs locaux.
Le hasard fait bien les choses : à moins de deux semaines de la visite aux Etats-Unis du président chinois Hu Jintao, la Chine a officialisé, vendredi, son accord pour que les banques d'investissement américaines JP Morgan et Morgan Stanley puissent chacune lancer de nouvelles activités dans l'empire du Milieu. La première va créer une coentreprise avec First Capital Securities et la seconde avec Huaxin Securities, aussi connue sous le nom de China Fortune Securities, pour se développer dans le courtage et les marchés taux et actions pour la clientèle chinoise.
Depuis l'arrivée, en 2004, de Goldman Sachs dans le pays aucune institution américaine n'avait obtenu ce droit, contrairement aux banques européennes, dont plusieurs ont pris pied en Chine ces dernières années, à l'image de Deutsche Bank ou Credit Suisse. Les milieux d'affaires américains sauront mesurer le geste, autant que l'appréciation du yuan face au dollar au cours des dernières semaines.
Amertume et frustration
Mais l'heure n'est certainement pas au triomphalisme : il y a même un peu d'amertume dans le monde des banques d'investissement étrangères en Chine. Le cas de Morgan Stanley en est une illustration : celle-ci recommence à zéro, après avoir été pionnière dans le pays. Mais sa participation dans la banque CICC, qui est devenu le numéro un chinois, s'est révélée frustrante pour elle -quoique lucrative -, le contrôle des opérations lui échappant totalement. Mettre un terme à ce partenariat était pour elle le préalable à l'ouverture de toute nouvelle activité.
La loi chinoise imposant aux banques d'affaires étrangères d'opérer avec un partenaire local et de ne pas posséder plus d'un tiers du capital de l'entité ainsi formée, les banques occidentales ont un rôle mineur sur le marché local. Et ce d'autant plus que, comme le note un banquier sur place, « les très grosses introductions en Bourse concernent des sociétés publiques et sont confiées à des banques locales, ce qui condamne les étrangers à ramasser les miettes ». Sans compter que les banques locales disposent souvent d'un réseau chinois beaucoup plus étendu, ce qui constitue un sérieux « plus » lors d'introductions en Bourse. Les chiffres le confirment. UBS est ainsi la première banque étrangère dans le pays, selon des données obtenues par l'agence Bloomberg. Elle est 18e au classement national. Et les profits dégagés par Goldman Sachs l'an dernier étaient inférieurs à 7 millions de dollars, contre 935 millions pour Citic, le numéro deux chinois du secteur. « C'est précisément parce que la Chine sait aujourd'hui que les banques étrangères ne représentent plus une menace pour elle qu'elle peut lâcher du lest et leur ouvrir un peu plus ses portes », analyse le même banquier.
L'heure est donc au réalisme. Le numéro un de JPMorgan Chase & Co. en Chine a lui-même sous-entendu, vendredi, qu'il était temps de revoir ses objectifs à la baisse. Il a estimé qu'il fallait s'intéresser aux entreprises de taille intermédiaire, dont les introductions en Bourse « ne sont traditionnellement pas un domaine auquel les sociétés étrangères s'intéressent », avant d'en louer le « potentiel ».
Peu à peu, le consensus émerge : mieux vaut une petite part d'un énorme gâteau que rien du tout. De fait, le volume des introductions en Bourse a dépassé, en Chine continentale, les 70 milliards de dollars l'an dernier, soit plus qu'à Hong Kong ou New York. Et la capitalisation boursière cumulée de la Chine devrait dépasser celle des Etats-Unis en 2030, selon Goldman Sachs.
GABRIEL GRESILLON
Les banques d'investissement étrangères en Chine
BNP Paribas a détenu 33 %de Changjiang Securities Corp Ltd de 2002 à 2007.Goldman Sachs a forméune coentreprise avec Gaohua Securities en 2004, dont la banque américaine détient 33 %.Citigroup est en coentreprise avec Central China Securities depuis 2008.Credit Suisse a créé en 2008 une coentreprise avec Founder Securities.Deutsche Bank s'est allié en 2009 avec Shanxi Securities pour former Zhong De Securities, détenu à 33,3 %.UBS a obtenu le feu vert en 2006 pour prendre 20 % de l'entreprise publique Beijing Securities et en prendre le contrôle opérationnel.
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