L'institution appuie l'internationalisation progressive de la monnaie chinoise
La Banque mondiale a émis pour la première fois des obligations libellées en yuans renminbi, mardi 4 janvier, sur la place de Hongkong. Conduite par sa filiale la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), cette opération portait sur 500 millions de yuans (57 millions d'euros, ou 76 millions de dollars) au taux de 0,95 %, d'une durée de deux ans.
La Banque lève régulièrement des fonds sur les marchés internationaux - au meilleur taux, grâce à sa bonne notation AAA - afin de pouvoir prêter aux institutions et aux entreprises des pays en développement à des taux très avantageux. Jusqu'à présent, elle émettait ses obligations dans les principales monnaies mondiales (dollar, euro, livre, yen). En se tournant pour la première fois vers le yuan renminbi, elle poursuit plusieurs buts.
Le premier est de calquer ses monnaies d'emprunt sur la physionomie de son capital. Lorsque la réforme de celui-ci sera parachevée, dans quelques mois, la Chine deviendra le troisième actionnaire de la Banque, derrière les Etats-Unis et le Japon, mais devant les pays européens. Ensuite, l'émission d'obligations en yuans est une façon d'impliquer Pékin encore un peu plus dans l'aide au développement. La Chine contribue déjà au financement des pays les plus pauvres dans le cadre de l'Association internationale pour le développement (AID).
Enfin et surtout, l'institution multilatérale cherche à appliquer les propositions de réforme du système monétaire international exprimées dans les colonnes du Financial Times par son président, Robert Zoellick, le 8 novembre 2010. Afin d'éviter une « guerre des monnaies », il y plaidait pour un rôle accru de l'or, mais aussi pour l'instauration « d'un système international en mesure d'impliquer à la fois le dollar, l'euro, le yen, la livre sterling et le renminbi ». Une façon d'appuyer la politique chinoise, qui prépare pas à pas l'internationalisation de sa devise.
Aujourd'hui, le yuan n'est pas convertible : la Chine pilote son taux de change et en limite l'usage hors de ses frontières. Pourtant, avec Hongkong comme marché pilote, le géant des exportations commence à libéraliser les conditions d'échange de sa monnaie.
Déjà, en 2010, la Banque asiatique de développement et deux multinationales américaines, le fabricant d'engins de chantier Caterpillar et le géant de la restauration rapide McDonald's, ont lancé leurs premiers emprunts en yuans. En outre, la Chine a annoncé au mois d'août qu'elle autorisait les banques étrangères à souscrire à sa dette publique.
« Remplacer le dollar »
Avec la Banque mondiale, c'est la première fois qu'une grande institution internationale fait irruption sur le marché des « dim sum bonds », comme l'ont surnommé les investisseurs, en référence aux raviolis vapeur chinois. « Le montant en jeu n'est pas très important mais le geste est symbolique : c'est un signe de reconnaissance vis-à-vis du yuan comme future grande monnaie », analyse Bei Xu, économiste chez Natixis.
Le renminbi peut-il devenir un concurrent sérieux du dollar au sein du système monétaire ? Il lui faudra d'abord devenir pleinement convertible, au risque de s'apprécier fortement. Soucieux de préserver ses exportations, Pékin ne devrait pas trop se hâter. Mais les investisseurs sont, eux, de plus en plus nombreux à miser sur la monnaie chinoise. « La seule devise que j'imagine pouvoir remplacer le dollar, c'est le renminbi », a déclaré mardi à la télévision indienne le gérant star américain Jim Rogers.
Alain Faujas
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