jeudi 27 janvier 2011

RÉCIT - Zemmour, les enjeux d'un procès - Mickael Fonton


Valeurs Actuelles, no. 3869 - Jeudi, 20 janvier 2011, p. 30

Justice. Une condamnation partielle a été requise à l'encontre du journaliste, jugé pour «diffamation à caractère racial et provocation à la discrimination raciale». Jugement le 18 février.

Ce tribunal est une enceinte où se déroule un procès politique opposant deux façons d'appréhender les problèmes de la société française, deux façons de dire le réel. En choisissant ces mots pour ouvrir sa plaidoirie, Me Olivier Pardo, avocat de la défense, a résumé l'enjeu du procès qui a vu, la semaine dernière, le journaliste et écrivain Éric Zemmour comparaître devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Quels sont les faits ? En mars 2010, sur le plateau de l'émission Salut les terriens (Canal Plus), Éric Zemmour avait déclaré : « Les Français issus de l'immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes... C'est un fait. » Voilà pour la diffamation. Second chef d'inculpation, les propos qu'il tint lors de l'émission l'Hebdo (France Ô), diffusée le même jour, à un invité lui demandant s'il ne trouvait pas injuste que des employeurs refusent des candidats noirs ou arabes; Éric Zemmour avait répondu : « Mais ils ont le droit. »

Interrogé en début d'audience, l'accusé a d'abord affirmé ne pas regretter ses paroles, déplorant cependant que leur « manipulation » ait pu heurter certains de ses compatriotes. Puis il s'est expliqué, dégageant, au-delà des propos incriminés, les enjeux du procès. La liberté de parole, le déni du réel, l'échec du modèle d'intégration à la française, enfin son différend avec les associations s'étant constituées parties civiles (le Mrap, la Licra, SOS Racisme notamment).

«La transgression discriminante, ce n'est pas moi qui l'ai faite»

Morceaux choisis : « J'ai rompu avec la gauche à cause de SOS Racisme [...]. La transgression discriminante, ce n'est pas moi, elle a été faite, et à satiété, depuis trente ans [...].À l'époque de l'équipe de France «black-blanc-beur», les origines ethniques étaient mises en avant et c'était merveilleux [...]. Moi je veux participer à un débat, déconstruire le sens politiquement correct qu'on a donné à certaines expressions. Discriminer, c'est choisir. La vie humaine est une machine à discriminer, mais on a criminalisé ce mot pour nous imposer un certain mode de pensée. [...] J'aurais dû dire «ils devraient avoir le droit» mais je n'en ai pas eu le temps. »

Autour de ces différents thèmes, les témoins se sont succédé à la barre deux jours durant, dans un climat parfois houleux.

Premier point controversé : la réalité de la chose. Les trafiquants sont-ils majoritairement «des Noirs et des Arabes» ? L'accusé reçoit, entre autres, le soutien de Jean-Pierre Chevènement : « Sans doute M. Zemmour a-t-il, dans le feu de la discussion, utilisé une formulation excessivement brutale mais il n'a, hélas, pas dit une chose matériellement inexacte, estime l'ancien ministre de l'Intérieur dans une lettre envoyée au tribunal. Il suffit, comme j'ai eu l'occasion de le faire, de consulter les listings de la Direction centrale de la sécurité publique du ministère de l'Intérieur pour savoir que plus de 50 % des infractions constatées sont imputables à des jeunes dont le patronyme est de consonance africaine ou maghrébine. » Même Malek Boutih, ancien président de SOS Racisme, en a convenu, assène Me Pardo, en précisant que le mot «trafiquant», prononcé au cours d'une émission consacrée aux quartiers sensibles, s'appliquait essentiellement aux dealers.

Cependant, qu'est-ce que la réalité ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une simple perception, construite par notre éducation ou nos préjugés ? Les trois sociologues cités par les associations parties civiles tentent de convaincre le tribunal de l'invalidité «scientifique» de l'affirmation d'Éric Zemmour. Qu'est-ce qu'un délinquant ? Qu'est-ce qu'un trafiquant ? Voire, pour Louis Schweitzer, ancien président de la Halde, « qu'est-ce qu'un Noir ? ». Ces querelles sémantiques amènent Me Pardo à commenter : « Mais bien sûr que rien n'existe, mais ce sont des concepts, comme le peuple ou la nation », avant d'ajouter « méfions-nous toujours de ceux qui n'emploient pas les bons mots [...] Monsieur Schweitzer a fait une illustration parfaite du discours technocratique consistant à escamoter le réel ».

Second point du procès, peut-être le plus symbolique : la liberté de parole. Pour le bâtonnier, avocat des parties civiles, « le mot n'est pas sacré. Toute liberté est limitée, et cette limite, c'est le droit ». Et l'avocat de la Licra de prendre en exemple le premier amendement de la Constitution américaine : « C'est cette fameuse liberté de parole qui fait que le Ku Klux Klan peut, aujourd'hui encore, appeler à lyncher les Noirs.» Du côté de la défense, Patrice Champion, ancien conseiller spécial de Rama Yade, affirme au contraire : « La liberté de parole est celle dont découlent toutes les autres [...] Je suis consterné par les suspicions qui pèsent sur le langage en France. »

Après les témoignages viennent les plaidoiries, qui voient les parties civiles camper sur leurs positions. C'est alors au tour du procureur, Anne de Fontette, de se lever. Un réquisitoire bref, presque dépassionné. Considérant que la parole pouvait être « la pire comme la meilleure des choses », regrettant que « des propos longtemps tus reprennent de la vigueur » et soulignant la responsabilité accrue d'Éric Zemmour en sa qualité d'intellectuel, le procureur décide de s'en tenir partiellement aux conclusions des parties civiles et requiert la condamnation pour l'accusation de diffamation et la relaxe partielle pour la provocation à la discrimination.

Il est alors 18 h 30, Me Pardo prend la parole. Au cours du procès, son client, Éric Zemmour, a été présenté comme quelqu'un « tenant des monstruosités pour des évidences », « le Jean-Marie Bigard de la sociologie de la délinquance » (selon SOS Racisme), un individu « formaté dans sa pensée raciste et discriminatoire » (Mrap), jugeant la société « par le prisme racial » (Licra) ou encore « appuyant le pied sur la tête de personnes peinant à se relever de la fange ».

La voix de l'avocat monte alors d'un cran. Zemmour, un provocateur ? « Vingt-cinq ans de journalisme, dix ouvrages écrits : pas une condamnation.» Un individu sulfureux ? « Des soutiens à gauche - Jean-Pierre Chevènement et Gaëtan Gorce [député PS] - comme à droite - Claude Goasguen ou Jean-Louis Debré. » Un incompétent ? « Des chiffres avancés par des études sérieuses, présentés au Sénat, repris dans la presse, un constat dressé par des hommes de terrain [préfets, maires], une vision partagée par des universitaires comme Michèle Tribalat, Hugues Lagrange, des essayistes comme Malika Sorel...».

Enfin un polémiste invité sur tous les plateaux, soutenu à la barre par des personnalités aussi diverses qu'Éric Naulleau, Robert Ménard, fondateur de Reporters sans frontières, ou Denis Tillinac. Au bout d'une heure et demie de plaidoirie, la conclusion tombe, sous les applaudissements d'une salle largement acquise au prévenu : « Pour l'amour du ciel, laissez s'exprimer cette parole libre et forte ! Madame le président, ne condamnez pas Éric Zemmour. »

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1 commentaires:

Anonyme a dit…

j 'approuve a fond tous les propos de zemmour
il a dit la pure et stricte vérité , donc il va etre executé par les procureurs antiracistes
France : tombée dans la boue