En se rendant, lundi 24 janvier, au bureau général des lettres et visites, sorte de ministère des doléances, dans le sud de Pékin, le premier ministre, Wen Jiabao, a de nouveau provoqué la surprise et suscité des débats. Annoncée mardi par la presse officielle, la première visite jamais effectuée par un dirigeant chinois à cette administration extrêmement controversée pour y rencontrer des pétitionnaires n'est pas anodine. Chaque jour, des plaignants s'y pressent, espérant la réparation de l'injustice dont ils se considèrent victimes.
Le système donne l'illusion d'un ultime recours possible. Dans la réalité, les pétitionnaires sont souvent renvoyés dans leur localité d'origine. Ils s'exposent à toutes sortes de représailles et, pour les récidivistes, à des peines en camp de rééducation.
Les internautes chinois s'interrogent sur les intentions du premier ministre : est-ce un « os à ronger » pour les plus mécontents, à l'approche du Nouvel An chinois ? Ou l'un de ces actes de contrition dont M. Wen s'est fait une spécialité - il a déjà rencontré des malades du sida ou des paysans ouvriers grugés par leur employeur - sans que ses gestes ne débouchent sur des réformes réelles ? Le quotidien Nanfang Dushi, connu pour sa relative indépendance, a retrouvé deux des huit pétitionnaires rencontrés par M. Wen et dont les témoignages apparaissent crédibles.
Les dérives du système des pétitions sont connues. En décembre 2010, la mort mystérieuse d'un ancien chef de village du Zhejiang, Qian Yunhui, pétitionnaire au long cours, a ému. Convaincus de la responsabilité des autorités locales, des avocats et des intellectuels se sont mobilisés, se rendant sur place pour enquêter. Lundi, le premier ministre a insisté sur la nécessité de « créer les conditions par lesquelles le peuple peut critiquer et superviser » le gouvernement. Il a fait référence aux nouvelles règles adoptées par l'exécutif pour « garantir que les droits des propriétaires urbains soient respectés ». Une législation est à l'étude pour « mettre fin également aux démolitions forcées dans les zones rurales », a promis M. Wen.
« C'est mieux que rien »
Plusieurs cas d'immolation par le feu de propriétaires lésés et sans recours ont défrayé la chronique. « Les défaillances du système des pétitions sont extrêmement graves. Le premier ministre s'y rend un peu tard, mais c'est mieux que rien », explique au Monde Hu Xingdou, professeur d'université qui s'est fait une spécialité des phénomènes sociaux chinois. « Il est urgent pour le gouvernement de montrer qu'il est préoccupé par les pétitions et de s'élever pour une fois contre le traitement souvent réservé aux pétitionnaires. C'est un message à l'intention des autorités locales », estime M. Hu. Mais, poursuit-il, le système des pétitions est une impasse, et la Chine ne peut pas faire l'économie d'une autre gouvernance, par des lois et une justice plus efficaces.
© 2011 SA Le Monde. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire