Plusieurs études assurent que pluies diluviennes et sécheresses vont encore s'accroître.
Pluies diluviennes, sécheresses extrêmes, écosystèmes menacés... Ces risques du changement climatique évoqués par les scientifiques sont-ils surestimés par les expertises et les simulations informatiques ? Plusieurs études récentes montrent qu'ils sont plutôt sous-estimés. Le rapport 2007 du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) notait : «La capacité de l'atmosphère à retenir l'eau augmente de 7% pour chaque degré Celsius supplémentaire.» Mais cette disponibilité accrue de vapeur d'eau allait-elle se traduire par des pluies diluviennes plus fréquentes et plus intenses ?
Oui, affirme un article paru dans Nature (1). Une démonstration fondée sur l'analyse d'une base de données du Hadley Centre, sur plus de 6 000 stations météo réparties sur l'hémisphère Nord (Etats-Unis, Amérique centrale, Europe, Inde, Chine) entre 1951 et 1999. Les pluies diluviennes de ces stations ont été comparées à des modélisations numériques, en quête d'une «empreinte digitale» de l'effet de serre intensifié sur leur fréquence.
Retors. L'affaire est délicate : il s'agit d'événements rares, et les cycles océaniques tropicaux jouent un rôle important qu'il faut distinguer de celui de la tendance climatique. Mais le résultat semble solide et suggère que les simulations du climat futur sous-estiment cette réaction de la planète à nos injections massives de gaz à effet de serre (plus de 30 milliards de tonnes de CO2 par an pour charbon, gaz, pétrole et fabrication du ciment).
Dans le même Nature, un autre article (2) démontre que les pluies diluviennes qui se sont abattues sur l'Angleterre et le pays de Galles à l'automne 2000 auraient eu nettement moins de chances de se produire en l'absence du changement climatique.
Paradoxe de ce changement en cours: la prévision d'inondations accompagne celle de sécheresses plus fréquentes. Les climatologues auraient-ils du mal à choisir entre deux maux souvent perçus comme alternatifs ou contradictoires ? Non, le climat est vraiment retors, et sa réaction à nos émissions de gaz à effet de serre concocte simultanément les deux. En été 2002, l'Europe centrale a subi des inondations de grande ampleur, mais 2003 a été celle des records de vagues de chaleur et de sécheresse.
Un article paru dans Science (3) explique que la sécheresse survenue en Amazonie en 2010 est encore plus forte que celle de 2005 pourtant qualifiée de «sécheresse du siècle». Surtout, les signataires estiment que cette sécheresse a provoqué le relargage dans l'atmosphère de grandes quantités de CO2, les deux années de sécheresse, annulant ainsi dix ans de stockage de carbone... et intensifiant d'autant l'effet de serre. Encore une fois, il s'agit d'un phénomène sous-estimé par les simulations numériques du climat futur sur cent ans.
«Stress». Quelles seront les conséquences de ces bouleversements climatiques sur les écosystèmes ? Là aussi, la sous-estimation semble de mise. Un article récent (4) a montré que, même avec un changement climatique modéré, une écrasante majorité des 238 écorégions qualifiées d'exceptionnelles seront sous «stress» climatique. Elles auront à faire face de manière «régulière et fréquente» à des conditions climatiques, températures en particulier, aujourd'hui (la période 1961-1990) considérées comme extrêmes et rarissimes. De manière contre-intuitive, ce risque concerne les régions tropicales où la variation en valeur absolue des températures sera faible, mais très forte au regard des variations actuelles et donc des capacités d'adaptation des espèces animales et végétales.
Et si le changement climatique ne s'arrêtait pas aux 2°C de plus qu'avant l'ère industrielle, objectif fixé à la dernière conférence des Nations unies, en décembre à Cancún ? Un ensemble d'études publiées par la Royal Society (5) s'interroge sur un monde à «plus 4°C». Une valeur, réaliste, encore inférieure à celles que prévoient certains modèles numériques. Et qui pourrait être atteinte dès les années 2070 si les émissions poursuivent la trajectoire actuelle.
Dans ce monde, expliquent les auteurs, la géographie physique se modifierait à grande vitesse, et les problèmes - eau, production alimentaire, hausse du niveau marin, émigration forcée... - soumettraient les capacités de gestion et d'adaptation des sociétés humaines à rude épreuve.
(1) Min et al. Nature, 17 février 2011.
(2) Pardeep Pall et al., Nature.
(3) Simon Lewis et al., Science du 4 février 2011.
(4) Linda Beaumont et al. Pnas, 24 janvier 2011.
(5) Philosophical Transactions, 13 janvier 2011.
Sylvestre Huet
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