Après avoir tergiversé, le gouvernement chinois s'est résolu à mettre à l'essai dans deux des plus grandes villes du pays une taxe sur la propriété immobilière débattue depuis des mois. Depuis le 28 janvier, les propriétaires d'appartements à Chongqing (métropole au centre du pays ayant enregistré une croissance de 17,1 % de sa population en 2010) et à Shanghaï (ville la plus peuplée avec 19 millions d'habitants) doivent s'acquitter annuellement de 0,4 % à 1,2 % du prix de leur bien, selon des barèmes distincts.
Seuls les ménages aisés sont concernés. A Chongqing, il s'agit des propriétaires de villas d'une surface supérieure à 180 mètres carrés ou d'appartements de plus de 100 mètres carrés; à Shanghaï, de ceux qui se permettent une deuxième acquisition. L'objectif est de conserver la taxe qui aura été la plus efficace, de la généraliser à l'ensemble du pays et d'accroître les revenus des gouvernements municipaux.
Les prix des logements en Chine sont repartis à la hausse depuis quatre mois, après une courte pause, conséquence de l'adoption, au printemps 2010, de mesures contre la surchauffe. En décembre, ils ont grimpé de 6,4 % sur un an - selon des statistiques officielles discutées - tandis que le nombre de mètres carrés échangés a progressé de 10,1 % en 2010.
A l'issue d'une réunion présidée par le premier ministre Wen Jiabao, le 26 janvier, le gouvernement central a encore augmenté la part de paiement comptant exigée lors de l'achat d'une résidence secondaire, passée à 60 % après avoir été fixée à 50 % en avril 2010.
Dans ce contexte, la presse locale ne pouvait éluder la question qui taraude les citoyens : cette nouvelle taxe est-elle le remède qui permettra d'enrayer l'escalade du marché de l'immobilier ? Personne ne croit qu'elle suffira à faire tomber les prix, a répondu le maire de Chongqing, Huang Qifan, mais elle devrait contribuer à freiner la spéculation, selon lui. En réalité, rétorque sur son blog le riche promoteur Ren Zhiqiang, il suffira aux propriétaires de transférer le fardeau de cette taxe sur les locataires pour ne pas avoir à la subir eux-mêmes.
Les critères restrictifs adoptés à Chongqing et à Shanghaï pour cibler cette nouvelle taxe et les faibles taux d'imposition annoncés amènent le journal économique en ligne Caixin à la comparer à une " enveloppe rouge ", dans laquelle est offert l'argent lors des fêtes du Nouvel An chinois.
Complexité et confusion
Le risque est d'ajouter encore à la complexité du marché au point de rendre la réglementation illisible. Selon l'un des éditorialistes de Caixin critiquant la confusion juridique qui s'annonce, " un jour, il y aura 250 règles dans l'immobilier " - un nombre dont la prononciation s'apparente en mandarin de celle du mot " idiot ". D'autres craignent encore que cette taxe, lorsqu'elle sera généralisée à l'ensemble du pays, pèse sur une petite classe moyenne urbaine pour laquelle la difficulté à accéder à la propriété est déjà devenue une préoccupation.
Cette taxe devrait pourtant contribuer à ce qu'un logement ne soit plus considéré comme un objet de placement spéculatif, parfois laissé vide. " En combinaison avec les autres mesures, le but est de changer la manière dont est perçu l'immobilier, analyse Michael Klibaner, qui dirige la recherche de Jones Lang Lasalle à Shanghaï. En relevant le coût de détention du bien, les investisseurs sont acculés à envisager sa location. - Il s'agit - de supprimer la demande de logements comme simple actif d'investissement. "
Face aux interrogations que suscite la hausse du coût de la vie, alors que l'indice des prix à la consommation a augmenté de 4,6 % sur un an en décembre 2010, le maire de Shanghaï, Han Zheng, a promis, le 22 janvier, que l'adoption de cette taxe s'accompagnerait de la création de 80 000 logements à loyer modéré, politique à laquelle nombre de villes chinoises se convertissent.
Harold Thibault
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