Le Monde - Contre-enquête France, mercredi, 23 février 2011, p. 8
Ce fut un non-événement. Mais il fit grand bruit : les appels à une révolution du jasmin en Chine, depuis jeudi 17 février, n'auront fait descendre dans les rues que quelques centaines de personnes. Dans treize villes chinoises, et le plus souvent à l'endroit le plus fréquenté de la ville : devant le McDonald's. Afin, pour les manifestants, que rien ne les distingue des badauds. Résultats : la présence policière fut massive. Et tout le monde en parle.
Au retour de son excursion dominicale, pour laquelle il avait revêtu, dit-il, ses meilleurs habits afin d'être digne en cas d'arrestation, l'internaute cantonais Zhang Guanghong déplore que la censure chinoise ait empêché l'appel de se diffuser. Mais il est optimiste : " Je reviendrai dimanche prochain à 2 heures. Et la semaine d'après. Plus la nouvelle se répandra, plus de promeneurs se joindront à moi. "
Voeu pieux ? La Chine est en tout cas déjà en ébullition : dénis de droits et abus de pouvoir enflamment le Net. Au point que les autorités ont parfois recours à la médiation de représentants de la société civile, tant les pouvoirs policier et judiciaire sont décrédibilisés. Autrefois tabous, les dénonciations de démolitions abusives de maisons ou les déboires des pétitionnaires font débat dans la presse. En revanche, les détentions illégales et les tortures que subissent nombre de militants (une centaine ont été arrêtés depuis la semaine dernière) sont encore très ignorées du grand public, sans doute plus pour longtemps.
L'équation, pourtant, est tout autre qu'en Egypte ou en Libye : les Chinois sont les plus libres de tous les citoyens vivant sous un régime autoritaire. Ils sont les grands gagnants de la globalisation et le savent. Ils jouissent de mille et une libertés dans une société d'une vitalité phénoménale, extrêmement ouverte sur le monde, technologiquement avancée. La progression du niveau de vie donne le tournis, malgré l'inflation.
" Méthode inadaptée "
Mais ils exigent le respect de leurs droits - pour défendre l'exercice de ces libertés ou leurs nouvelles modestes richesses. Ce besoin nourrit le Weiquan Yundong, mouvement de défense des droits, une poussée civique enracinée dans le terreau social plus proche de celle qui avait fait basculer la société taïwanaise ou sud-coréenne que des révoltes arabes.
Le Parti communiste est profondément perturbé par ces évolutions : samedi 19 février, le président Hu Jintao a tenté de recadrer les abus de pouvoir en appelant, lors d'un discours adressé aux hauts dirigeants de province et aux cadres, à améliorer les " capacités de gestion sociale " et " à faire des innovations dans ce domaine ". Il a exigé de " corriger résolument les pratiques malsaines qui mettent à mal les droits et les intérêts du peuple ". Tout en appelant à " sauvegarder le rôle dirigeant du Parti ".
" Le gouvernement central prend en compte les avis populaires, mais sa méthode est inadaptée, c'est toujours la répression qui l'emporte. Il a beau promouvoir le bien-être du peuple, les réformes sont trop timides, par exemple pour ce qui concerne le régime de propriété ", estimait mardi l'intellectuel Hu Xingdou, interrogé par Le Monde.
Brice Pedroletti
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1 commentaires:
Intéressant !
Je suis dégouté que on blog soit censuré en Chine, j'ai du mal à my rendre..
en tout cas continue car je suis fan de !
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