Le prochain voyage en France du président sud-africain Jacob Zuma, les 2 et 3 mars, a déjà eu un premier effet : accélérer la remise en ordre de la filière nucléaire française. C'est en effet avec Pretoria, qui a décidé de relancer son programme de centrales, que Paris veut tester l'efficacité de la nouvelle organisation d'un secteur naguère synonyme d'excellence française. Jusqu'à ce que la perte d'un contrat de 20 milliards de dollars (14,7 milliards d'euros) à Abou Dhabi au profit de la Corée du Sud, fin 2009, ne révèle les faiblesses d'une " équipe de France " qui n'en a plus que le nom.
Le Conseil de politique nucléaire (CPN), réuni lundi 21 février sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a décidé plusieurs mesures importantes pour renforcer la résistance face à la concurrence agressive des Russes, des Chinois et des Coréens. Entouré du chef du gouvernement, François Fillon, et de plusieurs ministres (économie, intérieur, défense, industrie, commerce extérieur...), le chef de l'Etat a annoncé la création d'un " comité stratégique " destiné à " renforcer les relations et les partenariats entre les différents acteurs de l'industrie nucléaire ", comme EDF, Areva, GDF Suez, Alstom, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le tissu de PME du secteur.
Créer un " partenariat stratégique " EDF-Areva
Ce comité sera présidé par le ministre de l'énergie, Eric Besson, et coprésidé par le PDG d'EDF, Henri Proglio, consacrant la prééminence de l'électricien public dans le nucléaire. Ce dernier sera aussi " chef de file de l'industrie nucléaire " à l'exportation quand un pays demandera des centrales clés en main, comme en Afrique du Sud. Un véritable " partenariat stratégique " doit, selon l'Elysée, rapprocher EDF et Areva et déboucher sur un accord commercial dans trois domaines : l'optimisation du réacteur EPR de troisième génération, la prolongation des 58 réacteurs d'EDF au-delà de 40 ans, la qualification de nouveaux combustibles et le stockage des déchets radioactifs.
Elargir la gamme de réacteurs
L'un des points faibles de l'industrie nucléaire française est son offre limitée sur les marchés internationaux. Areva ne proposait jusqu'à présent que l'EPR trop puissant - de 1 650 mégawatts (MW) -, trop coûteux (de 4 à 5 milliards d'euros) et mal adapté à de nombreux pays émergents. Comme si Airbus ne proposait que son avion gros porteur A380 à ses clients.
Il restera un produit de référence. Mais l'Etat a décidé que l'Atmea-1 (1 100 MW), conçu par Areva et Mitsubishi Heavy Industries (MHI), serait " le " réacteur pour le milieu de gamme - malgré les fortes réticences d'EDF. L'Elysée a demandé le lancement d'études pour en construire un en France. GDF Suez est déjà candidat dans la vallée du Rhône. " C'est un concurrent de l'AP 1 000 de Toshiba-Westinghouse ", note un expert gouvernemental. Il devrait être proposé à la Jordanie. Un groupe de travail (gouvernement, CEA...) va aussi étudier la faisabilité des réacteurs de faible puissance (de 100 à 300 MW), déjà dans les cartons d'Areva et de la DCNS.
Sécuriser l'approvisionnement d'EDF en uranium
C'est un enjeu stratégique pour la France, dont 80 % de l'électricité est d'origine nucléaire. Le retour de l'atome civil, notamment le développement du programme chinois qui pousse Pékin à stocker de l'uranium, oblige Paris à réagir. EDF s'approvisionne à 40 % chez Areva et achète le reste à l'étranger (Canada, Russie...). Mais dans ces 40 %, note le gouvernement, une part minoritaire provient de contrats à long terme; et au-delà de 2030, son approvisionnement n'est pas assuré. Actionnaire majoritaire d'EDF et d'Areva, l'Etat leur demande donc de " conclure un accord d'approvisionnement de long terme ".
Filialiser l'activité minière d'Areva
Le gouvernement demande au groupe nucléaire de " filialiser " son pôle minier, préalable à un développement de cette activité. Objectif : y faire entrer des partenaires industriels et financiers.
Ce scénario d'une société ad hoc détenue majoritairement et gérée par Areva était inscrit dans le rapport sur le nucléaire civil que François Roussely, ex-PDG d'EDF, a remis à M. Sarkozy en 2010. Des partenaires financiers pourraient y entrer, comme le fonds souverain du Qatar (QIA), très intéressé par cette activité d'Areva.
Mais aussi EDF, qui sécuriserait ainsi sa fourniture d'uranium. " L'idée de participer à des opérations minières n'est pas exclue ", a reconnu M. Proglio, le 15 février, en présentant ses résultats 2010, évoquant " certaines participations " dans des mines. Dans ce type de contrat, les droits d'enlèvement sont proportionnels aux parts du capital dans la mine.
Etablir un " partenariat global " franco-chinois
La France veut " prendre part au développement du marché chinois " (plus de 100 réacteurs de moyenne puissance d'ici à 2030), indique l'Elysée. Le CEA devra négocier avec Pékin un " partenariat global portant sur l'ensemble du nucléaire civil " (réacteurs, services, combustible, retraitement, sûreté...). Paris propose de développer avec la Chine un réacteur nucléaire de troisième génération. Pour ne pas faire concurrence à l'Atmea-1, il serait essentiellement destiné au marché chinois. L'industrie nucléaire française a aidé au lancement du programme chinois dans les années 1980. Elle veut tirer profit de ses bonnes relations avec un pays qui est le premier marché nucléaire mondial.
Jean-Michel Bezat
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1 commentaires:
Toujours le même qui en met plein la poche!
Proglio est membre de conseil d'administration d'EDF et CNP Assuances, est président non exécutif de Véolia.A ce titre il a une retraite de 13,1 M euros....
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