lundi 21 mars 2011

La Chine cherche à offrir au monde une image de puissance responsable


Le Monde - Environnement & Sciences, lundi, 21 mars 2011, p. 8

Les relations entre la Chine et le Japon étaient loin d'être au beau fixe lorsque le tsunami a dévasté les côtes de l'archipel nippon, le 11 mars : pourtant, la Chine a réagi très vite. Le jour même, le premier ministre, Wen Jiabao, présentait ses condoléances à Naoto Kan sur la ligne directe ouverte il y a moins d'un an entre leurs deux bureaux et proposait toute l'aide nécessaire au Japon.

Le 13 mars, 15 sauveteurs chinois atterrissaient à Tokyo - un geste de réciprocité après la diligence du Japon à envoyer ses secouristes lors du séisme de Wenchuan en 2008. L'équivalent de 4,5 millions de dollars (3,2 millions d'euros) d'assistance et quelque 20 000 litres de carburants ont été offerts par Pékin au Japon, a précisé jeudi la porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères.

En pleine incertitude autour de la crise nucléaire, qui a conduit à une ruée sur le sel de table en Chine, celle-ci a enjoint au gouvernement nippon de donner des informations au public " au moment adéquat et de manière précise ", sans toutefois critiquer le degré de transparence de Tokyo. Pékin a simultanément monté une vaste opération d'évacuation de ses milliers de ressortissants bloqués dans les zones du séisme.

Une semaine après le tremblement de terre, le président Hu Jintao s'est rendu à l'ambassade du Japon à Pékin, où il s'est incliné en hommage aux victimes de la tragédie. Ces derniers jours, des collectes de fonds ont été lancées dans des universités, et des provinces chinoises offrent leur aide aux préfectures japonaises avec lesquelles elles ont des liens économiques.

Moment de communion

La Chine suit, certes avec zèle, une partition somme toute établie, celle des relations de bon voisinage et de civilité diplomatique, surtout en cas de grande détresse. Mais l'image de puissance responsable qu'elle cherche à projeter fait aussi partie d'un exercice de séduction destiné au reste du monde.

Cet agenda contraste avec un autre visage de la diplomatie chinoise et des pratiques souvent moins amènes : ambassadeurs convoqués dans la nuit, diatribes nationalistes et rhétorique maoïste dans les éditoriaux de la presse officielle; ou encore, représailles indirectes et jamais reconnues comme telles, à l'instar de l'embargo sur les terres rares à destination du Japon à l'automne 2010 et du boycottage de Paris par les agences de tourisme chinoises il y a trois ans, à la suite des manifestations protibétaines lors du passage de la flamme olympique.

Avec le Japon, ce moment de communion pourrait être l'occasion d'un réchauffement, du moins provisoire. Tout dépend aussi des évolutions que pourrait provoquer au Japon la catastrophe : repli sur soi ou bien réveil. Il faut éviter de " surinterpréter " les gestes chinois, prévient toutefois un observateur chinois de la politique étrangère de son pays. Liu Jiangyong, de l'université de Tsinghua, à Pékin, juge que " la diplomatie est une question très complexe; elle nécessite des efforts sur le long terme et ne dépend pas d'un seul événement. "

Brice Pedroletti

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