La Chine a le coeur voyageur et l'esprit aérien. Atelier du monde mais aussi marché potentiel gigantesque, l'Empire du Milieu est au centre des débats chez les avionneurs. Comme partout ailleurs.
Le marché chinois fait baver Boeing et Airbus qui sont près à beaucoup pour séduire les compagnies chinoises et leurs très nombreux clients présents et, surtout, à venir. Pendant ce temps, la Chine achète des entreprises aéronautiques occidentales pour avoir accès au savoir faire et avoir une porte d'entrée sur les marchés occidentaux. Évidemment, en même temps les Chinois développent des projets pour satisfaire leur propre marché intérieur... Au rythme où ils vont, ils se profilent donc déjà comme des concurrents potentiels sur les grands marchés.
Ainsi, Michael O'Leary, le patron de la compagnie low cost Ryanair qui n'est pas à une provocation près quand il s'agit de négocier, vient-il d'entamer des discussions avec des fabricants d'avions chinois (et russes) pour qu'ils deviennent ses fournisseurs. Sérieux ? Jusqu'ici, la compagnie irlandaise n'utilise qu'un seul fournisseur (Boeing) et un seul type d'appareil (B737) pour diminuer les coûts d'entretien et de formation des pilotes. N'empêche, la menace chinoise intervient de plus en plus souvent dans les jeux de négociation et prend pied sur le marché occidental. Épouvantail aujourd'hui, nec plus ultra demain ?
Ainsi, le principal constructeur aéronautique chinois a racheté l'américain Cirrus, spécialiste des « petits » avions civils (aviation générale), le deuxième producteur après Cessna. Avant tout, ce rachat lui sert de porte d'entrée sur le marché de l'aviation générale aux États-Unis, le premier du monde. C'est la China Aviation Industry General Aircraft (CAIGA), entreprise de la société d'État Aviation Industry Corp of China (Avic), qui a signé l'accord.
Cette semaine, on apprenait aussi que le groupe français Safran et le chinois Comac ont signé un accord-cadre pour la création d'une co-entreprise dans le câblage aéronautique. D'autres exemples ? Le groupe européen EADS (Airbus) vient de signer un accord d'approvisionnement en aluminium avec le groupe chinois Southwest Aluminium (SWA). EADS explique qu'il souhaite disposer de fournisseurs dans le monde entier afin de bénéficier de coûts plus compétitifs mais aussi d'avoir accès au marché asiatique, jugé stratégique : la région Asie-Pacifique sera le premier marché aéronautique mondial au cours des vingt prochaines années (un tiers des commandes).
Un exemple une taille au dessus : c'est cette année que les usines d'assemblage des Airbus A320 à Tianjin (la municipalité et l'avionneur Avic détiennent 49 % du capital) doivent atteindre leur plein régime. Il s'agit jusqu'ici d'assembler des pièces produites à Hambourg ou à Toulouse. Mais comme les producteurs chinois fournissent de plus en plus d'éléments de base... Enfin, officiellement, il s'agit d'avions fabriqués pour alimenter le marché chinois uniquement mais quoi de plus volatil qu'un avion ?
Enfin, le 8 mars à Pékin, dans une exposition scientifique, la Chine vient de présenter un modèle grandeur nature de son futur premier jet passager, le C919. Un avion qui pourra accueillir jusqu'à 168 passagers et qui devrait connaître son premier vol d'essai en 2014, ses premières livraisons en 2016. Une centaine de commandes seraient déjà enregistrées pour des transporteurs nationaux (Air China Airlines, China Southern Airlines) mais aussi la société de leasing de General Electric.
Ce sont les Chinois qui forment le marché à venir, c'est eux qui font les pièces et c'est bientôt eux qui feront les avions... Qui a dit que l'aviation était un bon baromètre économique ?
© 2011 © Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2011
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