La mobilisation de Chinois a permis de sauver les platanes de Nankin

Le Monde - Environnement & Sciences, mardi, 22 mars 2011, p. 16

La mobilisation citoyenne de dizaines de milliers de Chinois a permis de sauver les platanes de Nankin

La conscience écologique des Chinois s'éveille de jour en jour : des dizaines de milliers d'habitants de Nankin et d'internautes à travers tout le pays se sont mobilisés pour sauver les platanes de l'ancienne capitale de la première République de Chine, qui devaient être déracinés par centaines pour faire place au chantier de construction de nouvelles lignes de métro. Au point que les autorités locales ont dû suspendre l'opération.

Tout commence début mars : 600 arbres doivent être déracinés pour les travaux de la ligne 3 du nouveau métro, et 500 autres pour les aménagements liés à la ligne 11 (Nankin a entrepris d'étendre son réseau à 17 lignes en 2030, contre 2 aujourd'hui). Certains de ces arbres, qui font le charme des rues de Nankin, sont connus sous le nom de faguo wutong, ou " arbres parasols français ". Il s'agit de platanes du type de ceux dont les Français bordaient les rues de leurs comptoirs en Chine - comme Shanghaï.

A Nankin, la petite histoire veut qu'ils aient été plantés par Tchang Kaï-chek dans les années 1930, en hommage à Sun Yat-sen, le fondateur de la République de Chine, dont le tombeau se trouve en bordure de la ville. Des centaines d'arbres avaient déjà été transplantés en 2006, pour des travaux liés au métro. La plupart auraient dépéri.

" Notre famille "

Quand le chantier commence, c'est l'émoi : des photos circulent de platanes décapités, puis couchés à terre, tandis que des ouvriers sectionnent les racines. Les groupes de discussion en ligne s'activent. " Ces arbres font partie de notre famille ", écrivent des internautes. Des habitants nouent des rubans verts autour du tronc des platanes promis à l'abattage.

Le 13 mars, des internautes de Nankin lancent un appel aux célébrités chinoises originaires de la ville. " Nous avons lancé le mouvement Sauvez les platanes de Nankin, mais nous ne sommes que 1 500, aidez-nous ! ", écrivent-ils au célèbre chroniqueur sportif Huang Jianxiang. Celui-ci crée une rubrique sur Weibo, le microblog chinois, qu'il intitule : " Un arbre, ça ne parle pas. Mais un homme, si ! "

Ces cris d'alarme se répandent comme une traînée de poudre. Même à Dundee, en Ecosse, où une étudiante en design originaire de Nankin crée des posters qui circulent sur le Net : " Arrêtez de couper, arrêtez de tuer ", lit-on au-dessus d'une feuille de platane que ronge comme une chenille vorace une rame de métro.

Et à Taïwan, où un député du Kuomintang s'en prendra sur Weibo au maire de Nankin, qu'il accuse de dilapider l'héritage de Sun Yat-sen. Il s'insurge face à ce qu'il qualifie de manque de sensibilité historique, l'année même où les deux côtés du détroit de Formose (Taïwan et la Chine) vont fêter les 100 ans de la révolution de 1911. La presse chinoise s'en fait largement l'écho.

Le 17 mars, le vice-maire de Nankin annonce la suspension de " l'opération de transplantation des platanes " et promet de " recenser les avis de la population et d'améliorer le projet de construction du métro ". Convaincu par la vox populi, même le secrétaire du parti de Nankin a déclaré que " l'arbre et la verdure étaient comme la ligne de vie d'une ville " et qu'il fallait " faire le maximum pour ne pas transplanter les arbres ".

Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)

PHOTO - NANJING, CHINA - FEBRUARY 17: Festival-goers enjoy the coloured lanterns at Nanjing Confucius temple, part of the Chinese Lunar New Year celebrations on February 17, 2011 in Nanjing, China. The lantern festival marks the end of the new year celebrations.

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