A Hongkong, les " obligations raviolis-vapeur " donnent un avant-goût de l'internationalisation du yuan chinois
Il y a eu les " Dragon bonds ", les " Samourai bonds ", les " Panda bonds ", et voilà les " Dim Sum bonds " ou " obligations raviolis-vapeur ", clin d'oeil à Hongkong où le nouveau produit financier est en passe de devenir aussi populaire que ce met qui se déguste dans des paniers en bambous...
C'est aussi le premier pas pour l'internationalisation du renmimbi ou yuan, la monnaie chinoise pour le moment non convertible ailleurs qu'à Hongkong. A la différence des Panda bonds, obligations émises en renminbi (ou yuan) en Chine, les Dim Sum bonds sont émis en renmimbi mais à Hongkong, et offrent ainsi du yuan " offshore ".
Depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, Hongkong jouit d'un statut financier autonome (et donc d'une monnaie séparée, le hongkong dollar) jusqu'en 2047, selon le principe de l'accord-cadre Basic Law, " un pays, deux systèmes " - ce qui se traduit entre autres par " un pays, deux monnaies ". Mais les choses changent vite. Au point que le " billet rouge " commence à être admis ici et là. Hermès, par exemple, accepte les paiements en renmimbi, à Hongkong et à Macao.
D'autres grandes marques ne le font pas encore et se disent peu pressées. Mais la tendance semble irréversible. En quelques années, le billet à l'effigie de Mao Zedong a changé de statut dans l'ex-colonie britannique, sans doute en partie grâce à son appréciation (+ 25 % depuis dix ans contre le dollar). Les Hongkongais se sont mis à accumuler les renmimbis comme jamais, au point de constituer la première réserve au monde (hors Chine).
Les dépôts, quasiment inexistants en 2009, étaient de l'ordre de 70 milliards en janvier 2010, et ont atteint 315 milliards en décembre (31,5 milliards d'euros). " L'année 2011 pourrait voir ces dépôts passer à 500, voire 1 000 milliards ", indique Gina Lee, directeur du marché de la dette chez HSBC. Car les Hongkongais ont le droit d'acheter 20 000 hongkong dollars (2 000 euros) de monnaie chinoise par jour.
" Il est aujourd'hui fréquent que, dès l'ouverture d'un compte, le client mette un ordre d'achat automatique quotidien de 20 000 hongkong dollars. Certains font exactement la même opération dans autant de banques que leur portefeuille le leur permet ", assure un banquier. Une autre source de renmimbis alimente désormais les dépôts hongkongais. En vertu d'une loi chinoise de 2009, quelques entreprises chinoises pilotes ont été autorisées à payer leurs fournisseurs étrangers ou facturer leurs clients en yuans. Elles étaient 500 au début du programme et sont près de 70 000 aujourd'hui.
Même si à peine 1 % des échanges avec la Chine sont financés en renminbis, cet accord, élargi à plusieurs reprises, a permis à l'excédent de ces transactions commerciales de s'accumuler à Hongkong. Autant dire que cette manne de renmimbis cherchant désespérément un débouché, dans un marché où les dépôts ne sont quasiment plus rémunérés, a vu d'un bon oeil l'arrivée d'obligations en renmimbis.
" Indéniable effet de mode "
Les Dim Sum bonds épongent ainsi une partie des liquidités en surabondance tout en permettant aux entreprises étrangères souhaitant se développer en Chine de lever de l'argent à bon prix à Hongkong. D'autant que depuis juillet 2010, l'Autorité monétaire hongkongaise (HKMA) a clarifié le fait que toute société étrangère pouvait émettre des Dim Sum bonds. Ainsi, Mac Donald a été l'un des premiers groupes américains à lever des yuans à Hongkong. En fin d'année, BP et UC Rusal ont indiqué leur intention d'émettre des Dim Sum bonds. Et la banque mondiale vient de le faire. " Il y a un indéniable effet de mode ", note Hossein Zaimi, directeur du change chez HSBC.
" Pour le moment, tout le monde s'y retrouve : l'entreprise lève des fonds moins chers qu'ailleurs et l'investisseur place son argent dans un produit qui lui rapporte plus que les dépôts bancaires classiques ", résume Stéphane Cieniewski, chef du bureau économique français de Hongkong. Mais aussi idéale que puisse paraître l'équation, les Dim Sum bonds ne sont pas une panacée. Il reste aux entreprises nombre de formalités pour faire passer en Chine continentale les renmimbis levés à Hongkong. " Les canaux de transfert entre les deux marchés - le renmimbi offshore (CNH) et le renmimbi onshore (CNY) - restent trop étroits ", explique M. Zaimi.
De nouvelles règles ne cessent d'apparaître alors que l'on n'en est qu'aux prémices. Car si les Dim Sum Bonds ont levé 40 milliards de renmibis (4,5 milliards d'euros) en 2010, chiffre qui devrait doubler en 2011, les analystes pensent que ces obligations ne sont qu'un premier pas pour faire de la monnaie chinoise un outil financier international.
Des introductions en Bourse en renmimbis offshore pourraient suivre... La seule inconnue du scénario de la convertibilité totale du yuan est son calendrier. Mais Hongkong est assuré du premier rôle - sous la direction attentive de Pékin.
Florence de Changy
© 2011 SA Le Monde. Tous droits réservés.
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