Les frappes aériennes de la coalition n'ont pas bonne presse en Chine. Les forums d'expression sur Internet comparent cette opération militaire avec celle menée par l'Alliance (huit nations, dont la France et les Etats-Unis) qui écrasa la révolte populaire des Boxeurs en Chine en 1900. Le quotidien nationaliste Global Times peint, dans son édition du mardi 22 mars, une intervention guidée par " les intérêts suprémacistes de l'Occident ".
La presse libérale s'interroge sur les motifs de l'action militaire et sur les risques de déstabilisation de la région. D'autres, enfin, renvoient la balle en direction du pouvoir : " Ma manière de voir les choses est très simple : les dictateurs n'ont pas "d'affaires internes", et les bourreaux doivent être envahis et éliminés ", écrivait, lundi, Han Han, le plus célèbre blogueur chinois.
Pékin a plusieurs raisons d'être mal à l'aise. La Chine a voté les sanctions contre la Libye aux Nations unies. Puis, après s'être abstenue sur la question de la zone d'exclusion aérienne, elle a exprimé, dimanche, " ses regrets " à ce sujet, considérant que cela était contraire au " consensus de Pékin " proposé aux pays africains. Au cours des Forums de coopération sino-africaine qui se tiennent tous les trois ans, la Chine offre à ses partenaires une troisième voie économique - des actions de coopération économique et des achats d'énergie ou de matières premières - avec la garantie d'une non-ingérence dans leurs affaires.
Nombreux contrats
Les relations de la Chine avec la Libye étaient toutefois loin d'être évidentes. En 2006, Saïf Al-Islam Kadhafi, l'un des fils du colonel, avait rencontré le président taïwanais indépendantiste Chen Shui-bian à Taïpeh et l'avait invité à Tripoli au nom de son père, s'attirant l'ire des Chinois. M. Kadhafi avait envoyé des représentants de rang inférieur au forum sino-africain de 2006 à Pékin, où s'étaient rendus 35 chefs d'Etat du continent. En 2009, son ministre des affaires étrangères avait parlé " d'invasion chinoise " et donnera des conseils de bonne conduite à Pékin.
Les entreprises chinoises ont signé, toutefois, de nombreux contrats avec la Libye. Lorsque les troubles ont éclaté, mi-février, 27 chantiers chinois, dans la construction et les télécoms, ont été affectés, selon le ministère du commerce chinois. Pékin a, enfin, dû évacuer 35 000 travailleurs.
" La Chine a souffert économiquement des bouleversements en Libye et l'attaque des forces étrangères va porter atteinte à ses intérêts économiques là-bas ", dit au Monde Shi Yinhong, expert en relations internationales à l'université du peuple à Pékin.
Brice Pedroletti
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