Après avoir géré pendant un mois la crise dans l'urgence, le gouvernement japonais va maintenant devoir faire face sur le long terme aux conséquences économiques, sanitaires et humaines de la série de catastrophes consécutives au séisme du 11 mars.
La semaine dernière, Yukio Edano, le porte-parole du gouvernement, a abandonné, pour ses points presse quotidiens, l'uniforme bleu ciel des travailleurs que tous les officiels japonais portaient depuis le 11 mars dernier pour signifier la gravité de la crise. Soucieux de montrer que le pays quitte progressivement la gestion d'urgence, le responsable a retrouvé son habituel costume trois pièces sombre. Un mois après le début de la crise, le Japon s'efforce de se reconstruire une vie normale mais a conscience qu'il va devoir lutter pendant plusieurs années contre les conséquences économiques, humaines et sanitaires de cette série de catastrophes.
La première priorité des autorités reste l'aide matérielle aux dizaines de milliers de personnes qui ont tout perdu dans le tsunami qui a tué probablement plus de 25.000 personnes - 13.000 morts ont été recensés et 15.000 habitants sont toujours portés disparus. Elles tentent dans un même temps de contenir l'extension de la crise nucléaire dans la centrale de Fukushima Daiichi.
Contamination de la nourriture
La population japonaise n'a jamais cédé à la panique tout au long de la crise, mais elle s'inquiète de plus en plus de la contamination sur le long terme des légumes, fruits, viandes et produits de la mer provenant des environs du site dévasté. Vendredi, le gouvernement a annoncé qu'il allait lever les restrictions de vente de certains produits frais imposées fin mars à des agriculteurs travaillant dans les environs de la centrale. Le message rassurant n'a toutefois pas convaincu toute la population qui a appris, le même jour, que le ministère de l'Agriculture allait interdire la plantation de riz dans les sols contaminés de la région de Fukushima. Le ministère doit aussi lutter depuis quelques jours contre la méfiance des consommateurs nippons, traditionnellement obsédés par la qualité de leur nourriture et de leurs sushis, à l'encontre des fruits de mer du littoral.
Les massifs rejets d'eau radioactive dans la mer bordant la côte semblent avoir des effets plus lourds que les autorités ne l'avaient initialement envisagé. Des experts s'inquiètent déjà d'un bouleversement des habitudes alimentaires des Japonais et de la reconversion forcée de milliers d'agriculteurs et de pêcheurs.
Réputation entachée
En peinant à définir les contours précis de la contamination de ses territoires, le gouvernement japonais risque de s'exposer à la méfiance croissante de ses partenaires commerciaux qui ont déjà décrété, parfois sans aucune justification rationnelle, des embargos sur une partie de ses exportations. La semaine dernière, la Corée du Sud s'est ainsi offusquée publiquement de n'avoir pas été informée des rejets, par l'électricien Tepco, d'eau radioactive dans l'océan Pacifique. Pékin a, elle aussi, multiplié les mesures de « protection » et élargi au cours du week-end leur embargo sur les denrées alimentaires provenant de l'Archipel. Plus d'une cinquantaine de pays restreignent désormais la pénétration sur leurs marchés de produits alimentaires japonais que Tokyo déclare pourtant « sains ».
Si la mesure ne fera pas de tort à la croissance du Japon, qui exporte très peu de produits agricoles, elle contribue à détériorer l'image globale du « made in Japan » construite au fil des décennies sur une réputation de qualité. « Que va-t-il se passer pour le pays si quelqu'un trouve en Occident un minuscule et inoffensif taux de radioactivité dans une pièce automobile de Toyota ou un composant d'iPad ? », s'interroge un économiste à Tokyo, qui appelle le gouvernement à se montrer plus transparent et rigoureux dans ses communications pour endiguer la montée à l'international de l'image d'un « Japon toxique ».
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