(Paris) - "Tuer le poulet pour effrayer le singe." Comme le rappelle ce proverbe, la terreur est en Chine un moyen politique utilisé depuis l'Antiquité, mais son usage systématique est un phénomène moderne. En bons élèves de Lénine, les communistes chinois ont commencé à tester cette méthode dès avant leur prise du pouvoir, en 1949. Et ils l'ont pratiquée à l'échelle nationale, en la poussant à des degrés jamais atteints jusque-là, après la fondation de la Chine populaire. Les vagues de répression se sont succédé, provoquant des millions de morts. La Révolution culturelle (1966-1976) a constitué le point d'orgue de cette ère.
Malgré ce passé encore récent, on a tendance à oublier la terreur. Une des raisons de cette amnésie tient sans doute à la personnalité de l'ancien numéro un, Deng Xiaoping. Après avoir été l'un des principaux praticiens de la terreur avec Mao, Deng en est devenu la victime. Il a lancé la réforme en 1978 pour tourner le dos à cette politique en déclarant révolue l'époque de la lutte des classes. Pourtant, le massacre de Tian'anmen, en 1989, est venu, au bout de dix ans, rappeler la présence de la terreur. Vingt ans plus tard, la Chine est devenue la deuxième économie du monde : son modèle suscite l'admiration. Mais le printemps arabe provoque la panique et réveille le réflexe totalitaire. L'écrasement des dissidents politiques ne suffit plus, il faut s'en prendre aux avocats, aux journalistes, aux artistes, aux internautes activistes. Raidissement paranoïaque ? La meilleure explication se trouve peut-être dans la fameuse formule attribuée à Deng, qui voulait justifier la répression en 1989 : on peut tuer 20 000 personnes pour assurer vingt ans de stabilité. Un nouveau cycle commence-t-il ?
Chen Yan
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