L'Europe va revoir à la baisse les niveaux de radioactivité autorisés dans les produits alimentaires importés du Japon. " De manière transitoire, nous avons décidé d'appliquer les valeurs japonaises, qui sont plus basses que les nôtres ", a annoncé le président de la Commission, José Manuel Barroso. Cette mesure, dit-il, est prise à titre de " pure précaution ", les contrôles effectués jusqu'à présent ayant montré " des niveaux de radioactivité négligeables ". Les nouvelles normes seront proposées vendredi 8 avril au Comité permanent de la chaîne alimentaire de l'Union européenne (UE), pour entrer en vigueur dès le dimanche 10.
Pour le césium 134 et 137, la valeur limite dans les aliments solides va baisser de 1 250 becquerels par kilogramme (Bq/kg) à 500 Bq/kg. Pour l'iode 131, le plafond, déjà aligné sur celui du Japon, restera à 2 000 Bq/kg. En outre, les contrôles seront étendus à un autre radioélément, le strontium 90, avec un maximum de 750 Bq/kg. En revanche, le plutonium - dont de nouvelles traces ont été détectées, mercredi, à Fukushima - ne sera pas pris en compte, Bruxelles estimant qu'il n'y a pas aujourd'hui de contamination par ce radionucléide.
Les niveaux admissibles de radioactivité ont fait l'objet d'une polémique entre des parlementaires européens, notamment des Verts, et la Commission. Une certaine confusion prévaut dans ce domaine. Les normes appliquées dans l'UE sont celles d'un règlement de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) datant de 1987. Mais dès le printemps 1986, juste après la catastrophe de Tchernobyl, des règles plus sévères avaient été adoptées pour les produits agricoles en provenance des régions contaminées : le taux de césium était plafonné à 370 Bq/kg pour le lait et les produits laitiers et à 600 Bq/kg pour les autres denrées.
Ces taux sont toujours en vigueur, mais uniquement pour les zones affectées par le " nuage " de Tchernobyl. Avant le 30 juin, a indiqué M. Barroso, les experts européens décideront d'une éventuelle uniformisation des règles, applicables à " toutes les importations, d'où qu'elles viennent ".
Depuis le 26 mars, l'Europe a mis en place un dispositif qui prévoit, pour les marchandises en provenance des douze préfectures japonaises les plus proches de Fukushima, un contrôle au départ par les autorités nippones et, à l'arrivée, des analyses en laboratoire sur au moins 10 % des lots, choisis au hasard. Pour les livraisons originaires du reste de l'Archipel, non contrôlées au départ, les tests se feront sur au moins 20 % d'entre elles. La France, pour sa part, a décidé de contrôler la totalité des arrivages. Jusqu'à présent, les inspections n'ont porté que sur des produits acheminés par avion. En France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a eu à examiner, à l'aéroport de Roissy, cinq cargaisons contenant des algues, du thé et des gâteaux, où " rien de significatif " n'a été détecté.
Dans les jours qui viennent, les premiers bateaux partis du Japon après l'accident de Fukushima doivent arriver en Europe. Plus grand port européen avec 430 millions de tonnes de marchandises acheminées en 2010, Rotterdam (Pays-Bas), où le premier de ces bateaux devrait accoster mi-avril, importe essentiellement des voitures et des conteneurs en provenance du Japon. Les autorités portuaires ont décidé de mesurer la radioactivité en mer, afin de rassurer les dockers, indique René De Vries, le directeur des installations. Un protocole a été conclu avec les douanes, les services de contrôle alimentaire et les services de sécurité
Même si elles estiment le risque très faible, les autorités portuaires d'Anvers (Belgique), deuxième port européen avec 178 millions de tonnes de marchandises, ont décidé, dès la fin mars, de procéder à des contrôles de la radioactivité. Chaque bateau doit remplir un formulaire indiquant ses dix derniers ports de mouillage. Si l'un d'eux est situé au Japon, des contrôles seront effectués sur le navire et sa cargaison. S'ils s'avéraient positifs, un examen approfondi serait mené par l'Agence fédérale de contrôle nucléaire. A Anvers comme à Rotterdam, un examen systématique des conteneurs, visant à détecter d'éventuelles matières radioactives, avait déjà été instauré à la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
A Hambourg, troisième port continental (119 millions de tonnes), les autorités portuaires se sont alarmées du renvoi par la Chine, le 21 mars, d'un bâtiment japonais porteur d'une radioactivité très supérieure à la normale. Elles ont réclamé la mise au point d'un plan d'urgence avec les douanes et le ministère de l'intérieur, avec des contrôles systématiques des bateaux et de leurs cargaisons.
En France, les autorités des ports de la basse Seine (Le Havre et Rouen) se conforment à la réglementation européenne du 26 mars. Deux contrôles sont prévus : l'un par les postes d'inspection aux frontières (PIF) et points d'entrée communautaire (PEC), où les vérifications sont faites par les agents des services vétérinaires et du ministère de l'agriculture; l'autre par les douanes, selon les procédures habituelles.
Le volume de marchandises concerné, déjà très faible en temps normal, va encore être réduit par la crise au Japon. Selon Bruxelles, les produits japonais ne représentent que 0,1 % du total des importations alimentaires de l'UE. En 2010, celle-ci a acheté au Japon pour 187 millions d'euros de produits agricoles et pour 18 millions d'euros de produits de la pêche, poissons et mollusques.
Plusieurs pays ont pris des dispositions plus radicales. La Chine, les Etats-Unis, la Russie, Taïwan et Singapour ont suspendu les importations de denrées alimentaires originaires des régions les plus touchées par l'accident nucléaire. Et l'Inde a décrété, mardi 5 avril, un embargo total pour une durée de trois mois.
Pierre Le Hir et Jean-Pierre Stroobants (à Bruxelles) avec Etienne Banzet (à Rouen)
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