mardi 3 mai 2011

Ai Weiwei, tensions autour d'une détention - Vincent Noce

Libération - Culture, mardi 3 mai 2011, p. SP1_13

Pétition . Arrêté à Pékin il y a un mois, l'artiste chinois reçoit de nombreux soutiens partout dans le monde.

Un gaillard à la grande barbe noire est en train de devenir l'artiste chinois le plus connu au monde. La vague de solidarité lancée sur tous les continents pour réclamer la libération d'Ai Weiwei a pris une ampleur considérable, un mois jour pour jour après son arrestation à l'aéroport de Pékin, alors qu'il s'apprêtait à embarquer pour Hongkong. Accusant le régime chinois d'être «inhumain», le plasticien s'était entendu reprocher par Pékin de «mettre en danger la sécurité nationale».

Agé de 53 ans, il est depuis détenu au secret. Plusieurs de ses amis ont disparu, sa femme vivrait entourée de policiers, et ses ordinateurs ont été saisis à leur résidence de Caochangdi, dans la banlieue de la capitale.

Cette action est désormais prise comme le symbole d'un régime dictatorial qui, depuis la préparation des Jeux olympiques, a constamment aggravé la situation des milieux artistiques, au point que le quotidien britannique The Guardian parle de «la pire campagne de répression conduite depuis une décennie».

Au nom du gouvernement américain, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton a dénoncé un acte «contraire à la loi». L'influente association des directeurs des grands musées américains, qui a tenu sa dernière réunion annuelle à Shanghai, a appelé le régime «au respect des libertés fondamentales», en s'alarmant du «sort réservé à Ai Weiwei, ainsi qu'à l'ensemble de la communauté artistique», et en soulignant que «les collaborations à venir pouvaient être compromises». Elle a lancé une pétition pour sa libération qui a recueilli à ce jour 125 000 signatures, venues de 174 pays. Le site qui l'abrite (1) a été brièvement paralysé par une attaque informatique, venue de Chine, entraînant l'ouverture d'une enquête du FBI. En riposte, tous les musées partenaires ont inscrit la pétition sur leur propre site. La Tate Modern, à Londres, qui a clos hier une exposition consacrée à l'artiste, y a ajouté la vidéo de sa conférence d'ouverture, dans laquelle Ai Weiwei déplore «la censure», et souligne combien «la liberté d'expression est indissociable de la créativité d'un artiste». Interrogé sur la raison pour laquelle «il n'est pas en prison», il avait répondu : «Je ne sais pas, mais pour l'art, il faut savoir prendre des risques.»

Comme en écho, l'écrivain Salman Rushdie, qui a vécu de longues années dans une semi-clandestinité après avoir été menacé de mort par le régime islamique iranien, a publié une tribune en sa faveur dans plusieurs grands quotidiens dans le monde, sous le titre : «L'art est dangereux».

(1) www.change.org

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