mercredi 11 mai 2011

La dangereuse frilosité des Etats-Unis vis-à-vis des investissements chinois


Les Echos, no. 20930 - International, mercredi 11 mai 2011, p. 8

D'après une étude américaine, la Chine pourrait investir entre 1.000 et 2.000 milliards de dollars dans le reste du monde au cours de la prochaine décennie.

Aux Etats-Unis, tout le monde n'est pas de l'avis de Gary Locke. Alors que le secrétaire américain au Commerce avait tenu, mercredi, un discours assez ferme à l'encontre de la Chine, évoquant notamment les « réelles frustrations » que connaissent les sociétés américaines sur le sol chinois compte tenu de discriminations déguisées à leur encontre, un centre de recherche basé aux Etats-Unis a présenté, le lendemain, une tout autre lecture de la relation bilatérale sino-américaine. D'après Asia Society, les Etats-Unis risquent, par leur frilosité vis-à-vis des investissements chinois, de passer à côté d'une véritable manne au cours de la prochaine décennie.

Renversement de tendance

A combien s'élèveront les investissements chinois dans les dix prochaines années ? L'étude présentée jeudi -devant le même Gary Locke -estime qu'ils dépasseront les 1.000 milliards de dollars, et pourraient même atteindre 2.000 milliards. Un renversement après trois décennies durant lesquelles l'empire du Milieu a essentiellement reçu les capitaux venus du reste du monde. La tendance est déjà à l'oeuvre. Alors que le total des investissements directs de la Chine à l'étranger était de 26 milliards de dollars fin 2005, ils se sont élevés à 59 milliards de dollars en 2010. Selon le rapport, ce flux pourrait aisément tourner entre 100 et 200 milliards par an dans les prochaines années, compte tenu du projet de Pékin d'acquérir des ressources et des technologies. Le « China daily » ne cachait pas, vendredi, qu'avec une hausse annuelle d'environ 30 %, ils devraient dépasser les investissements directs entrant en Chine d'ici trois ans.

Mais vu le climat très anti-chinois qui règne à Washington, le risque est réel de voir la Chine se lasser du protectionnisme américain. Inquiets de voir des entreprises chinoises fermer des usines sur le sol national, mais également des liens incestueux entre les grandes entreprises et l'Etat chinois, les Américains vont-ils opter pour le repli face à cette opportunité ? Asia Society tire la sonnette d'alarme : « Si les interférences politiques ne sont pas tempérées », les avantages des investissements chinois que sont « la création d'emplois, le pouvoir d'achat et même la contribution au renouveau des infrastructures américaines » risquent d'être « détournés chez nos concurrents ». Comme l'Europe ?

GABRIEL GRESILLON

PHOTO - U.S. Commerce Secretary and nominee to become U.S. Ambassador to China Gary Locke (C) listens to remarks during the third annual U.S.-China Strategic and Economic Dialogue (S&ED) at the Department of the Interior in Washington May 9, 2011. At right is U.S. Trade Representative Ron Kirk.



© 2011 Les Echos. Tous droits réservés.

0 commentaires: