Le Monde - Economie, vendredi 3 juin 2011, p. 15
A l'extérieur de l'usine Rhodia à Liyang sont entreposés par rangées d'imposants sacs de cérium. Cette poudre blanche, une des " terres rares ", est utilisée dans la production de catalyseurs permettant de réduire les émissions de dioxyde de carbone des voitures. Il en faut aussi pour fabriquer les poudres de polissage nécessaires dans la production de verres pour les lunettes. Dans cette usine de la province du Jiangsu, ces éléments sont séparés entre eux avant la finition, l'assemblage des éléments selon la recette exigée par un client. Les métaux sont ensuite livrés à des secteurs aussi variés que la production de semi-conducteurs ou celle de téléviseurs.
Ces derniers mois, l'accès à ces terres rares est devenu un problème majeur pour les industries de haute technologie. Dans les usines chinoises, les visites de clients désireux de s'enquérir de l'état du marché s'étaient déjà multipliées récemment. La Chine produit 95 % des terres rares mises sur le marché, après la fermeture au Brésil ou aux Etats-Unis de mines jugées trop polluantes et peu rentables. Consciente de son pouvoir de marché et soucieuse d'assurer un meilleur contrôle écologique, elle réorganise l'extraction autour de grands champions étatiques et tente de fermer les mines illégales.
" Faire plus avec moins "
Pékin s'inquiète d'être le seul à exploiter ses ressources et souhaite que certaines industries exportant ces terres rares pour produire à l'étranger viennent directement contribuer à l'économie locale. Le pays avait déjà réduit ses quotas d'exportation, fixés deux fois par an. Ils ont baissé de 35 % pour le premier semestre de 2011, après une réduction de 72 % dans la seconde moitié de 2010.
Depuis le 20 mai, le ministère chinois du commerce inclut dans ces quotas les alliages ferreux comportant au moins 10 % de terres rares, afin de fermer les passe-droits. Le gouvernement a également annoncé la hausse des taxes sur ces métaux et le blocage de l'expansion des capacités de production concernant les activités de séparation - la mise à l'écart de chacune des terres rares après leur extraction. La Chine prévoit de " réduire significativement " par des fusions et acquisitions le nombre d'acteurs dans la séparation et l'extraction, ce qui lui permettrait de maîtriser encore un peu plus les prix du marché, au moins avant l'ouverture de mines prévue en Australie et aux Etats-Unis.
Effet secondaire, les incertitudes persistantes sur les quantités disponibles sur le marché incitent à la recherche d'une certaine efficacité. " Les problèmes d'accessibilité s'étant amplifiés, tout ce qui permet de faire plus avec moins est un argument, un avantage. De fait, cela pousse l'industrie à progresser ", constate Jean-Guy Le Helloco, en charge des activités de Rhodia dans les terres rares.
En France et dans les autres pays occidentaux, la recherche sur le recyclage des terres rares s'accélère, une solution qui devient avantageuse sur les plans environnemental et économique, les cours ne cessant de grimper. Enjeu : récupérer les poudres usagées, les purifier et en refaire des produits finis. Le recyclage n'est pas encore d'actualité dans les pays émergents comme la Chine, où les systèmes de collecte des déchets demeurent peu développés.
" Face à la situation actuelle, les clients nous disent : "Apportez-nous des améliorations", explique Pascal Métivier, directeur des activités de recherche et développement de Rhodia en Asie-Pacifique. L'entreprise effectue ainsi dans son laboratoire de Shanghaï des recherches portant sur le développement de lampes basse consommation de même efficacité mais dont l'enrobage utiliserait moins de terbium, l'élément qui a pour propriété de donner à la lumière une teinte verte. " Le terbium est une terre rare qui devient rare ", constate M. Métivier.
Harold Thibault
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