Le Monde - Le Monde Education, mercredi 15 juin 2011, p. EDU8John Quelch est doyen de la China Europe International Business School (CEIBS), l'une des plus importantes écoles de management en Asie. Nommé en 2011, il fut auparavant doyen associé de la Business School de Harvard (Etats-Unis) et doyen de la London Business School (Royaume-Uni).Comment expliquer l'entrée remarquée de l'Asie sur le marché mondial du "master of business administration" (MBA) ?
Il y a d'abord le rôle de moteur des économies asiatiques dans la croissance mondiale. Les jeunes qui veulent faire un MBA prennent de plus en plus conscience que c'est en Asie, plus qu'aux Etats-Unis, qu'apparaîtront les possibilités futures. Or, pour comprendre l'Asie, surtout si l'on parle d'un pays aussi complexe que la Chine, un séjour de deux semaines ne suffit pas. Rien de tel, en revanche, qu'une formation en immersion au coeur de la culture asiatique, en Chine (ou en Inde). Et non dans sa périphérie occidentalisée. Singapour, c'est l'Asie " light " et Hongkong, la Chine " light ".
Vivre cette expérience asiatique peut être un vrai plus dans une carrière, quel que soit l'endroit où on souhaite la mener; en Asie, cela va de soi, mais également en Europe ou aux Etats-Unis.
Observez-vous une augmentation des demandes ?
Les candidatures que nous recevons de non-Chinois connaissent chaque année une augmentation à deux chiffres depuis trois ou quatre ans. Et puis le gouvernement chinois veut développer l'investissement à l'étranger des entreprises nationales, et de plus en plus de Chinois comprennent l'importance que représentera l'expérience internationale.
Une expérience qu'ils peuvent obtenir en suivant les formations de la CEIBS puisque nous avons quarante programmes d'échange avec des Business Schools internationales et que les trois quarts de nos étudiants de MBA passent un semestre à l'étranger dans l'école de leur choix.
Votre école est-elle une business school (BS) comme celles d'Occident ?
Notre école est née en 1994 d'une joint-venture entre l'Union européenne et le gouvernement municipal de Shanghaï. C'est un succès, car le projet est également stratégique pour les deux partenaires. Toutes les semaines, nous avons la visite de hauts responsables européens. L'ancien président du conseil italien Romano Prodi est professeur.
La CEIBS est la plus importante joint-venture de l'Union en Chine, et c'est un atout unique pour l'Europe. Ces vingt-cinq dernières années, un élément important du soft power et de la diplomatie a été d'éduquer les futurs leaders. La CEIBS est un moyen, pour l'Union européenne, de partager les bonnes pratiques européennes en management et en leadership. Les Etats-Unis n'ont pas de projet similaire.
Quelle spécificité offre votre école ?
Elle est " profondément chinoise, d'ampleur globale ". Cela signifie, en d'autres termes, qu'aucune BS chinoise ne peut égaler notre envergure internationale, et qu'aucune école internationale ne peut égaler notre ancrage chinois. Tant que la Chine restera aussi incontournable dans l'économie mondiale, cette combinaison demeurera un atout remarquable pour la CEIBS.
Notre programme MBA est centré sur le leadership responsable. Tous nos étudiants doivent conduire un projet supervisé par les professeurs qui consiste à penser une stratégie de développement durable. L'une de nos équipes (deux Chinois et deux Européens) a calculé l'empreinte carbone du campus de la CEIBS. Et nous sommes la première BS dans le monde à être neutre en termes d'émissions de carbone. Bref, nous appliquons le concept du leadership responsable dans tous les aspects de nos programmes. Pour la première BS chinoise, c'est une initiative surprenante. C'est très attractif pour les candidats potentiels.
Existe-t-il un business chinois ?
Les fondamentaux de la comptabilité ou de la finance sont les mêmes partout dans le monde et sont bien entendu enseignés dans notre école, aussi bien qu'à Harvard ou à l'Insead - école française installée à Fontainebleau, en Seine-et-Marne - . Mais de nombreux cours nous permettent d'aborder la question de savoir comment les modèles asiatique, européen et américain peuvent se rencontrer.
Le " capitalisme bambou " est comparé avec les modèles européen et américain. La Chine cherche à comprendre comment son modèle capitalisme-communisme devra évoluer dans les vingt prochaines années. Notre positionnement est unique pour développer de nouveaux concepts, de nouveaux cadres, de nouvelles théories. Je ne dirais pas que nous cherchons un modèle chinois des affaires. Nous réfléchissons plutôt sur ce que pourrait être le modèle mondial de développement économique optimal.
De quelles nationalités sont vos étudiants ?
Notre MBA accueille deux cents étudiants par an pour dix-huit mois : 50 % sont chinois, 50 % étrangers. Notre Executive MBA, le plus grand au monde avec huit cents étudiants - c'est une autre spécificité -, est en part time - Le part time MBA permet d'assumer son activité professionnelle tout en suivant sa formation - , donc la plupart sont chinois. Nous voulons attirer davantage d'étudiants européens et américains. Cela devra passer par l'augmentation de la taille des promotions, car nous souhaitons conserver l'équilibre général des nationalités.
A un jeune Occidental qui se demande s'il doit faire son MBA en Chine ou en Occident, je dirais simplement cela : le futur, c'est l'Asie.
Propos recueillis par Benoît Floc'h© 2011 SA Le Monde. Tous droits réservés.
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