Le Monde - Economie, mercredi 15 juin 2011, p. 14
L'inflation a de nouveau atteint un niveau élevé au mois de mai en Chine, malgré les efforts répétés de Pékin pour enrayer la hausse des prix. Après avoir progressé de 5,3 % en avril, l'indice des prix à la consommation a augmenté de 5,5 % en mai sur une année, un taux inédit depuis l'été 2008, selon les statistiques officielles publiées, mardi 14 juin.
La Chine subit depuis l'été 2010 le retour de bâton d'une posture monétaire laxiste adoptée dans le but de stimuler l'activité économique pendant deux années de ralentissement mondial. Devant le constat de l'augmentation du coût de la vie, source de mécontentement social et d'instabilité, le gouvernement a changé son fusil d'épaule à l'automne 2010, faisant de la lutte contre l'inflation son combat majeur pour 2011.
Quatre hausses des principaux taux d'intérêt et huit augmentations successives du ratio de réserves obligatoires des banques commerciales ont été annoncées par la Banque populaire du peuple depuis octobre 2010. La Chine a probablement évité ainsi une progression plus spectaculaire de l'inflation. Elle pouvait se le permettre puisque son nouveau leitmotiv pour les cinq années à venir est de parvenir à une croissance moins héroïque et plus équilibrée.
Mais l'inflation reste aujourd'hui bien au-dessus du niveau de 4 % fixé pour la fin de l'année 2011, et le durcissement de la politique monétaire commence à peser sur l'économie. L'indice d'évolution de la production industrielle du pays sur un an a ainsi ralenti à 13,3 % en mai, un peu plus bas que les 13,4 % enregistrés en avril et en recul significatif par rapport aux 14,8 % relevés en mars. Le freinage se traduit sur le marché automobile, en recul de 0,1 % en mai, ralenti également par le retrait de mesures d'incitation à l'achat de voitures de tourisme. L'Association des constructeurs automobiles de Chine juge qu'il est désormais peu probable d'atteindre l'objectif initial de progression de 10 % à 15% des ventes cette année. Dans l'immobilier résidentiel, l'indice des prix au mètre carré dans neuf des principales villes chinoises a reculé de 4,9 % en avril, selon les données compilées par le cabinet d'analyse Dragonomics.
" Le consensus croît - autour de l'idée que - la croissance économique en Chine a perdu plus d'élan que ne l'avaient anticipé les dirigeants, et une politique excessivement rigoureuse risquerait de provoquer un atterrissage brutal. L'inflation est élevée mais maîtrisable, donc la balance devrait pencher vers davantage de croissance ", écrit dans une analyse Chen Xingdong, économiste en chef de BNP Paribas en Chine.
Stephen Green, économiste de la banque Standard Chartered, anticipe une croissance de 9,5 % de la deuxième économie mondiale au cours du second trimestre, après les 9,7 % des trois premiers mois de l'année. " Nous ne voyons pas de risque important d'atterrissage difficile, étant donné que le ralentissement de la croissance est par nature le résultat d'une politique ", écrit M. Green dans une note. Il s'attend à ce que la croissance reparte au quatrième trimestre, une fois que le contrôle du crédit se sera allégé, ce qui pourrait être signalé cet été.
Au regard d'une inflation toujours élevée, nombre d'économistes s'attendent encore à une nouvelle hausse des principaux taux d'intérêt, en juin ou juillet. Avec des dépôts aujourd'hui à 3,25 % pour 5,5 % d'inflation, ceux-ci restent négatifs. " La combinaison d'une inflation toujours intense et d'une croissance relativement stable signifie que la banque centrale a encore la possibilité d'augmenter les taux d'intérêt ce mois-ci ", explique Ren Xianfang, analyste de Global Insight à Pékin.
La question est désormais de savoir si les difficultés d'accès au crédit peuvent entraîner l'économie chinoise plus bas que le niveau auquel elle a ralenti à présent, jugé encore tolérable. Le volume des nouveaux prêts attribués par les banques chinoises est tombé à 551,6 milliards de yuans en mai, 100,5 milliards de moins qu'en 2010.
Devrait ensuite venir l'assouplissement. Les gouvernements locaux, dont les finances dépendent fortement des prix de l'immobilier, vont faire pression en sa faveur auprès des autorités centrales, écrit l'économiste indépendant Andy Xie. Si ceux-ci perdent plus d'altitude que prévu, Pékin devra rapidement redresser la barre.
Harold Thibault
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