Marianne, no. 738 - Magazine, samedi 11 juin 2011, p. 68
Au travail, dans les rues, sur le Net et jusque dans votre réfrigérateur, la société de surveillance s'impose comme la nouvelle norme. Chaque citoyen est aujourd'hui profilé, fiché, filmé et pisté. Officiellement pour son bien et sa sécurité. Vraiment ?
Alertez les bébés ! Depuis le 25 février, policiers et gendarmes peuvent s'inviter autour du berceau. Sur simple réquisition, ils peuvent désormais connaître vos faire-part de naissance sur Yahoo, le récit de l'accouchement sur Facebook, le premier biberon sur Dailymotion et le billet numérique que vous avez offert aux grands-parents sur sncf.com. L'Etat français, deuxième du podium européen de l'atteinte aux libertés publiques derrière l'Angleterre, selon l'ONG britannique Privacy International, vient en effet d'imposer aux fournisseurs d'accès et aux hébergeurs de conserver pendant un an toutes ces menues bricoles qui font l'essence même de la vie privée sur Internet : l'identifiant de votre connexion, les dates et les heures auxquelles vous vous êtes connecté, la nature des opérations que vous avez effectuées, vos pseudos, vos adresses postales, vos numéros de téléphone, le montant, la référence et la date de vos paiements en ligne...
Jérôme Thorel, responsable de Privacy France, l'un des contestataires les plus virulents du Net, estime que ce flicage du Web "dépasse de loin les méthodes de la Stasi en Allemagne de l'Est". Il est tout aussi remonté contre le Conseil constitutionnel. Le 10 mars dernier, les sages de la Rue de Montpensier ont taillé à la hache dans la loi Loppsi 2, le dernier fourre-tout sécuritaire sarkozyen. Ils n'en ont pas moins préservé l'article 4 qui autorise le filtrage du Net sans contrôle judiciaire.
Collecte de données
Quasi inexistantes il y a encore une quinzaine d'années, la surveillance et la collecte systématiques des données personnelles - à des fins de contrôle, d'influence, de marketing ou de gestion - font désormais partie du paysage quotidien. Elles façonnent notre société, bien au-delà de l'imaginable. Prenez le passe Navigo, ce sésame des transports en région parisienne qui permet de connaître l'heure, la date et le trajet de vos trois derniers déplacements. "Navigo est un parfait outil pour les conjoints jaloux ou les patrons soupçonneux", ironise Gildas Avoine. Ce professeur de sécurité informatique à l'Université catholique de Louvain-la-Neuve s'interroge : "La fraude a bon dos. Le Syndicat des transports d'Ile-de-France [Stif] a-t-il vraiment besoin de stocker toutes ces informations-là et pourquoi ?"
Les poseurs de questions ne sont pas légion, les rebelles non plus. Abandonner les mails, le téléphone mobile, la carte bancaire et le métro sous prétexte de ne plus laisser de traces ? Vous n'y pensez pas ! Le silence des citoyens profilés, fichés, filmés et pistés est assourdissant. La société de surveillance s'est banalisée. Elle est devenue une norme de moins en moins remise en cause, où la collecte tous azimuts des informations personnelles est considérée comme une fatalité, sinon une nécessité. C'est vrai, peut-on refuser le passeport biométrique alors que l'horreur des Twin Towers est encore dans les mémoires ? Ou mettre en doute l'utilité des fichiers policiers alors que le président de la République lui-même ne cesse de dénoncer l'insécurité, l'impunité des délinquants et la récidive des pervers sexuels ? Quel piètre citoyen s'opposerait à la lutte contre la fraude fiscale, l'escroquerie à la protection sociale, l'absentéisme à l'école ou la récidive des pédophiles ? Au Canada, le sociologue David Lyon, gourou de l'économie de la sécurité, confirme : "Nous sommes entrés dans une culture de la suspicion." Jean-Jacques Hazan, le président de la Fédération des conseils de parents d'élèves - qui a fini par neutraliser Base élèves, le fichier tentaculaire de l'école primaire -, martèle : "Nous vivons dans la défiance de l'autre. Quel autre pays voit des délinquants dans des gamins de 3 ans ?" Et d'ajouter : "Je paye des impôts pour que la puissance publique serve la collectivité. Certainement pas pour qu'elle ne pense qu'à la faire obéir, au mépris de la vie privée."
Pour les digital natives - comprenez ceux qui sont nés avec une souris au bout des doigts -, tout serait une question de génération. "La vie privée est-elle une affaire de vieux cons ?" interroge, provocateur, Jean-Marc Manach. Pour ce journaliste spécialisé, responsable d'Owni (Objets du Web non identifiés), la réponse est positive : "Les jeunes internautes ont compris que tout ce qui était sur le Net était de la vie publique. Pour le reste, ils savent protéger leur vie privée." Manach se trompe. Une nouvelle société est en train de naître : celle du visible à tout prix. Interrogée par le Monde, Nicole Aubert, psychologue et sociologue, coordinatrice des Tyrannies de la visibilité : être visible pour exister ? (éditions Erès), explique : "Nous avons besoin d'exposer notre intimité aux autres pour la faire exister." Je suis vu, donc j'existe : nombre d'utilisateurs du Web se moqueraient donc de ce qu'ils balancent sur la Toile pourvu qu'ils le balancent. Peu importe si la photo ou l'info concernent des tiers à qui l'on n'a pas demandé leur avis. La Cnil (Commission nationale informatique et libertés) estime, elle, qu'une majorité des clients du Net ne connaît ni les enjeux ni l'utilisation possible de ce qu'ils fournissent.
Profilage des consommateurs
Les entreprises qui font leur beurre avec les milliards de données qui circulent sur la Toile - Google et Yahoo, mais aussi les sociétés de collecte spécialisées et les réseaux sociaux - regardent avec attention cette mine d'or qui paraît inépuisable. Les hommes du marketing, suivis par les publicitaires, les banquiers et les assureurs, ont été les premiers à découvrir le juteux filon du profilage des consommateurs, de leur segmentation en groupes de plus en plus précis. La chair à canon des programmes de commercialisation. La cible des publicités millimétrées. Comme d'habitude, les sociétés nord-américaines sont les plus en pointe. Ainsi, Mobile Direct se vante, ouvertement, de son portefeuille de 63 millions de consommateurs, segmentés selon leur origine ethnique, leur religion, leur statut familial, leur famille politique, leurs finances, leurs choix sexuels ou leur endettement.
Aucune de ces entreprises n'arrive cependant à la cheville des grands moteurs de recherche. Omer Tener, membre du centre Internet et société de l'université de Stanford et consultant du gouvernement israélien, explique : "L'historique de vos recherches [sur Google] affiche des informations concernant vos finances, vos idées politiques, votre sexualité et vos problèmes de santé." Au fil des clics ou des cookies, Google - mais aussi bien Yahoo ou MSN - fabrique une image et un profil de chaque consultant. Stockés, semaine après semaine, dans la mémoire indestructible de ses ordinateurs. Nourris par des algorithmes qui ignorent tout de la subtilité des individus, de leur histoire, de leur psychologie ou de leur profession. L'étudiant en histoire qui recherche "assassinat président Etats-Unis" n'est pas forcément un suppôt d'Al-Qaida. Pas plus que la mère de famille qui s'interroge sur "culture cannabis" n'est un dealer en puissance. Ainsi se construit (et se vend) un autre nous-même, qui nous ressemble autant qu'une marionnette à son marionnettiste.
Les trésors des moteurs de recherche et le savoir-faire des profileurs intéressent bigrement les gouvernements et leurs services. Aux Etats-Unis, l'américain ChoicePoint, qui se vante de posséder 17 milliards de renseignements individuels et commerciaux, travaille déjà pour le FBI et le fisc américain. Et Google a créé une cellule juridique spéciale pour traiter de la recevabilité des innombrables demandes des polices du monde entier désireuses d'enrichir leurs propres fichiers. "La police a toujours disposé de fichiers. Sans eux, elle perd ses moyens. L'informatique lui a simplement permis d'aller plus loin et plus vite", souligne Delphine Batho. Avec Jacques-Alain Bénisti, son collègue UMP du Val-de-Marne, la jeune députée PS des Deux-Sèvres a enquêté sur ce secteur opaque. Une chose est sûre : la montée des préoccupations sécuritaires s'est traduite par une prolifération des fichiers policiers ou judiciaires. En 2006, la commission de contrôle présidée par le criminologue Alain Bauer en comptait 34. Trois ans plus tard, la mission parlementaire en a recensé, elle, 56. Le dernier client sérieux au scandale national date de 2008. Nom de code : Edvige. Ce petit bijou qui devait fusionner les fichiers des Renseignements généraux et de la Direction de la surveillance du territoire cumulait toutes les tares : il prévoyait de recueillir les données relatives à la santé, à la vie sexuelle, aux origines raciales et ethniques, et aux activités politiques, religieuses, philosophiques ou syndicales. Enorme tollé et disparition d'Edvige, remplacée par Edvirsp.
Sur le fond, seuls deux fichiers posent de vrais problèmes. Le premier est le Stic. En 2008, le Système de traitement des infractions contrôlées contenait les noms de 5,5 millions d'individus mis en cause et de 28,3 millions de victimes, ainsi que des indications sur les procédures judiciaires en cours. L'enquête de la Cnil le concernant est accablante : sur 1 385 vérifications, seulement 20 % étaient exactes, 17 % ont été supprimées du fichier et 63 % modifiées. Un brin léger quand l'inscription au Stic peut ruiner une embauche ou démolir une carrière. Les exemples abondent, comme celui de ce jeune homme de 24 ans qui s'est vu refuser le concours de la magistrature pour un emprunt de bicyclette quand il était mineur. Au total, 2 millions de personnes seraient concernées par un fichier que certains qualifient au mieux de "mal tenu", au pis de "pourri". Maud Kornman, avocate et fine connaisseuse des fichiers policiers, explique : "Un mauvais fichier comme le Stic bat en brèche les grands principes de la réinsertion et de l'effacement de la dette une fois payée."
Le plus pervers est certainement le Fnaeg, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques. Rien à dire sur son sérieux, un modèle scientifique en Europe. Le problème est son développement tous azimuts. Réservé au départ, en 1995, aux auteurs d'infractions sexuelles, il contient quinze ans plus tard 1,2 million de références, certaines prélevées au cours d'une simple garde à vue. La loi Sarkozy de 2003 l'a, en effet, étendu aux simples vols, aux tags, aux dégradations ou aux fauchages d'OGM et prévoit de ficher les personnes non condamnées mais simplement "gravement" suspectées. Résister peut vous coûter jusqu'à un an de prison et 15 000 e d'amende. Sur le bureau de Ghislaine Hoareau, deux dossiers chauds de responsables syndicaux condamnés à de la prison avec sursis et qui ont refusé le prélèvement ADN parce qu'ils ne voient pas ce qu'ils ont de commun avec des violeurs. La conseillère juridique de la CGT dénonce le manque de mesure du fichier : "Aujourd'hui, un affichage sauvage peut vous coller directement dans le Fnaeg." Nicolas Sarkozy pense que l'on peut faire mieux. Sa référence est le modèle britannique et ses 3 millions d'encartés.
La puissance des outils informatiques modernes nourrit le rêve éveillé des mégafichiers et l'éternelle tentation - sous prétexte d'efficacité - des croisements des renseignements détenus par les différentes administrations, également convoités par les entreprises du Medef. On imagine les assureurs mettre la main sur le dossier médical personnalisé ou les banquiers être associés aux échanges entre Pôle emploi, l'assurance vieillesse, les allocations familiales et le fisc. Lionel Tardy, député de Haute-Savoie, un des rares grands connaisseurs d'Internet au Parlement, souligne : "Il faut être vigilant. Il ne se passe pas de session sans que le Medef tente de rentrer en douce."
Fiché dès la maternelle
Signe des temps, 80 % des 4 200 à 5 000 plaintes annuelles que la Cnil reçoit concernent le secteur privé. Mais, avec un budget de 13 millions d'euros, le gendarme français est le plus pauvre d'Europe. En 2009, il n'a pu procéder qu'à 300 contrôles, qui se sont traduits par 4 avertissements, 91 mises en demeure et seulement 5 sanctions financières. Il est vrai qu'avec ses 160 salariés la commission n'a pas vraiment les moyens de couvrir son vaste terrain de manoeuvre. Comment, par exemple, contrôler les 10 000 nouvelles caméras de rue que Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, veut voir installer en 2011 (35 000 caméras en 2010 et un objectif avoué de 60 000 en 2012) ?
Equiper - proportionnellement - chaque ville sur le modèle de Nice, ses 620 caméras et son mur d'écrans, les industriels en rêvent chaque nuit. Alors que, selon la revue En toute sécurité, le marché global de la vidéosurveillance en France frôle le milliard d'euros, le chiffre d'affaires réalisé dans le secteur public (20 % du total) ne cesse de croître. Encore faut-il rassurer les élus et leurs électeurs que cette frénésie sécuritaire pourrait inquiéter. Jamais les chefs d'entreprise n'ont autant parlé d'éthique et de respect des droits. Bel exemple de novlangue, l'Association nationale des villes vidéosurveillées s'est muée en Association nationale de la vidéoprotection. Ce club un peu spécial, qui a même créé une "université d'été de la tranquillité publique", multiplie les rencontres entre les patrons du secteur, les élus locaux et les installateurs. Au-delà de cette convivialité bon enfant, la filière électronique et numérique a montré son véritable visage dans son Livre bleu de 2004. Un petit chef-d'oeuvre distingué par le jury des Big Brother Awards, réuni sous la houlette de Jean-Marc Manach et de Jérôme Thorel. On y lit, notamment, qu'il conviendrait de développer la biométrie (la reconnaissance par les empreintes) "de manière conviviale" dès l'école maternelle. Par ailleurs, les responsables politiques sont invités à assouplir une législation jugée trop contraignante, contraire à la croissance de la sécurité électronique et informatique.
"On nous enfume. Leur unique but, c'est la surveillance", accuse Elizabeth de Vismes. Cette militante de la Ligue des droits de l'homme, responsable de Ravif (Réseau antividéosurveillance d'Ile-de-France), constate un peu amère : "Les élus et les patrons peuvent faire ce qu'ils veulent, personne ne se sent concerné..." A Breuillet (Essonne), 8 000 habitants, ce couple âgé qui promène son chien sur la piste piétonnière n'a aucun état d'âme vis-à-vis des quatre caméras que Bernard Sprotti, le maire UMP, a installées en 2009 pour surveiller les bâtiments culturels et les parkings. Il déplore seulement que ces équipements "coûtent cher et ne servent qu'après l'infraction et encore..." Difficile de savoir exactement quelle est la part des caméras ou de la présence sur le terrain de la gendarmerie dans la baisse (- 26 %) des délits à Breuillet. Sprotti lui-même se veut prudent. La cour des comptes régionale de Rhône-Alpes s'est penchée sur Lyon et ses 200 yeux. Loin des chiffres officiels de délits divisés par deux dans les villes vidéosurveillées, sa conclusion est sans appel : "Relier directement la vidéosurveillance et la baisse de la délinquance est pour le moins hasardeux."
Il y a peut-être plus grave. "Si vous savez que vous êtes surveillé, inconsciemment, vous changerez votre façon d'agir", explique de Vismes. Ainsi, plus ou moins lentement, entrerions-nous dans la société décrite par le philosophe Gilles Deleuze, celle qui peut se passer de la contrainte physique et du contrôle direct, parce que tout le monde se contraint et se contrôle soi-même. Plus angoissant encore, dans la Sécurité de l'individu numérisé (sous la direction de Stéphanie Lacour, L'Harmattan), Antoinette Rouvroy, de l'université de Namur, questionne : "La peur d'être jugé plus tard pour des faits, gestes et opinions, dont nous ne savons pas, actuellement, comment ils seront interprétés dans l'avenir, ne risque-t-elle pas d'engendrer un conformisme encore plus contraignant ?"
Les salariés se rebiffent
Paradoxalement, la levée de fourches vient des entreprises. Avec un taux de chômage de 10 %, on aurait pu croire les salariés repliés sur eux-mêmes, soumis. Il n'en est rien. La Cnil constate une augmentation notable du nombre de plaintes concernant la surveillance sur les lieux de travail. Thomas Dautieu, responsable du service des contrôles, a son explication : "L'employé est déjà tellement sous pression et son univers, tellement encadré, que le flicage né de la suspicion lui devient insupportable." Géolocalisation, vidéosurveillance, accès aux mails, détection automatique de sites Web sans rapport avec l'activité de la société ou collecte de données biométriques : les patrons font feu de tout bois. La sécurité de cette entreprise de commerce de vêtements militaires justifiait-elle le relevé des empreintes digitales du personnel et de leur conservation dans une base centrale ? Ce commercial dénoncé par son GPS alors qu'il s'était garé dans un quartier "chaud" pendant ses heures de boulot méritait-il d'être viré ? "Avec les nouvelles technologies, les transporteurs ont découvert que certains chauffeurs allaient aux putes. Un vrai scoop", ironise un expert. "En général, ce sont les petits chefs qui franchissent la ligne jaune", explique Bruno Rasle, délégué général de l'AFCDP, l'Association française des correspondants à la protection des données à caractère personnel, l'autre nom des 2 000 correspondants informatique et liberté (CIL). Il revient à ces salariés exposés et courageux de recadrer leur entreprise défaillante. Ils ne sont pas les seuls. Comme s'ils n'avaient pas encore pris conscience de l'enjeu, les syndicats sont curieusement absents du débat au niveau national. Les plaintes restent traitées au plan local. Pendant ce temps, les savants Cosinus mettent leurs projets les plus dingues au service des patrons les plus fous. Microsoft a ainsi déposé le brevet d'un système de contrôle dont les capteurs placés sur les salariés permettront de vérifier, grâce à des algorithmes, leur productivité.
A chaque décennie, sa couche de méfiances. Dans les années 70, il fallait craindre l'Etat. Dans les années 80, c'était IBM. Dans les années 2000, Google. "Aujourd'hui, ce sont les individus. Demain ce seront les objets", analyse Stéphanie Lacour. Ce qui inquiète le plus cette chargée de recherches au CNRS, responsable de l'équipe "Normativité et nouvelles technologies", ce sont les puces RFID (Radio Frequency Identification, c'est-à-dire identification par fréquence radio), consultables à distance, et les nanotechnologies, leur déclinaison dans le domaine de l'infiniment petit, appliquées aux produits de grande consommation. Très bientôt, le fichage destiné à tracer leur itinéraire sur la chaîne de production ou dans les stocks des hypermarchés sera ringard. Place au Web des objets ! L'idée est que tous ces objets devenus intelligents soient reliés au réseau. Chacun aura une identité et émettra, si on l'interroge, un certain nombre d'informations. Par exemple, votre pack de yaourts vous informera de sa date de péremption mais il fournira également des indications précieuses aux services de marketing des industriels de l'agroalimentaire et aux grandes surfaces. Souriez, vous êtes cernés ! Le marché potentiel mondial - 100 000 milliards d'objets à étiqueter - donne le tournis. Lacour explique : "Les industriels et les patrons de grande surface ont vite compris que ceux qui ne participeraient pas au codage des puces seraient les perdants." C'est pourquoi ils ont rejoint EPCglobal Inc., une multinationale américaine au nom très Big Brother qui propose les systèmes d'encodage. "Mais imaginez le problème si vos médicaments peuvent révéler à distance et à n'importe qui que vous suivez une trithérapie", pointe Lacour. D'autant que les puces, sans batterie et demain invisibles, sont immortelles.
"Chaque fois qu'une technologie arrive sur le marché, une autre la remplace presque immédiatement. Nous manquons cruellement de recul", commente Alex Türk, sénateur du Nord divers droites et patron de la Cnil, qui reconnaît que celle-ci n'a pas brillé jusqu'ici par son anticipation. Il vient doncv de créer un département de la prospection qui, outre les ingénieurs et les juristes maison, fera appel au Commissariat à l'énergie atomique mais aussi à des sociologues et à des médecins. Objectif : aider les pouvoirs publics à légiférer. Lionel Tardy hausse les épaules, fataliste : "La loi aura toujours une guerre de retard sur la technologie." Lui préfère miser sur l'éducation citoyenne, dès l'école, et l'application rigoureuse des textes existants, notamment le droit d'accès aux données personnelles et celui à l'oubli. Le chemin est encore long. Comme dit l'humoriste américain Dave Barry dans ses Chroniques déjantées d'Internet : "Les ordinateurs ont le pouvoir de transformer notre monde en un monde qui nous est totalement étranger." CQFD. G.D.
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