Le Monde - Economie, mercredi 17 août 2011, p. 11La Chine laisse s'apprécier sa monnaie par rapport au dollar à un rythme de plus en plus rapide
Le yuan, la devise chinoise, a continué de se renchérir face au dollar, mardi 16 août, pour la cinquième journée consécutive, atteignant le taux record de 6,3925 yuans pour un dollar. Soit une appréciation de plus de 7 % depuis juin 2010, date de l'abandon par la Chine du " peg " (ancrage) liant le yuan au dollar.
Après être passé le 11 août sous la barre des 6,4 yuans, soit son plus bas niveau en dix-sept ans face à la devise chinoise, le dollar pourrait tester le seuil des 6,39 yuans. Le yuan reste toutefois contraint par une bande de fluctuation des taux de change quotidien de plus ou moins 0,5 %. En juin, les analystes des taux de change de la banque Standard Chartered ont d'ailleurs estimé qu'elle pourrait être élargie à 1 %, ce qui accélérerait le mouvement. Le dernier élargissement de la marge de fluctuation du yuan date de mai 2008.
En réalité, note un expert occidental à Pékin, on part " d'un seuil très bas ", et ces " records " récents sont dans la logique du décrochage de juin 2010. Certes, le yuan est la seule devise des pays émergents à s'apprécier ces derniers jours, mais il s'est beaucoup moins renchéri sur le moyen terme que les devises de pays comme le Brésil.
Surtout, le taux effectif du yuan, par rapport à un panier de devises, se déprécie depuis 2010 - notamment par rapport à l'euro. Selon Ding Zhijie, professeur de l'université d'économie et de commerce international de Pékin, " la crise de la dette en Europe et aux Etats-Unis a pour conséquence d'affaiblir la confiance dans l'euro et dans le dollar, et donc de renforcer le yuan ".
Ralentir l'inflation
Cette remontée spectaculaire de la monnaie chinoise intervient au moment de la visite en Chine du vice-président américain Joe Biden, qui doit passer cinq jours dans le pays. Selon l'administration Obama, il ne manquera pas de rappeler à ses hôtes que leur devise est " substantiellement sous-évaluée ". Or, les Chinois n'ont pas l'habitude de montrer un grand empressement face aux demandes américaines. En réalité, même s'il n'est pas librement convertible sur le marché des changes, le yuan n'est pas non plus " piloté " au jour le jour par les autorités monétaires chinoises.
En l'occurrence, la Banque centrale fait des efforts continuels pour rendre plus flexible cette devise et la pousser vers la convertibilité par le biais de projets pilotes d'internationalisation - ainsi, une plateforme offshore d'échange de la devise chinoise a été créée à Hongkong. Ces efforts ont en partie porté leurs fruits : le marché est devenu " poreux " selon l'expert occidental - " Les acteurs financiers parient sur une appréciation du yuan, et cela se traduit par des pressions à la hausse sur la monnaie. "
Ces entrées de capitaux spéculatifs et les surplus commerciaux (ils ont atteint un record en juillet) posent problème à Pékin, dans la mesure où la banque centrale doit placer ces dollars dans des bons du Trésor américain - qui reste le plus sûr et le plus pratique des placements possibles pour la Chine.
De plus, faire fonctionner la planche à billets en Chine, une opération qui génère de l'inflation. La hausse du yuan peut donc contribuer à ralentir marginalement cette inflation, qui a atteint 6,5 % en glissement annuel en juillet. Elle a notamment un effet direct sur l'inflation " importée " (par exemple le prix des matières premières). Ces gains sont toutefois relatifs, surtout dans la perspective d'une troisième vague d'injection de liquidités dans l'économie américaine - dont l'effet sera d'accroître les flux de capitaux... vers la Chine.
Brice Pedroletti
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