Le Monde - International, jeudi 25 août 2011, p. 7
Avec l'annonce, mardi 23 août, de la candidature de Seiji Maehara, ancien ministre des affaires étrangères, pour succéder à l'impopulaire premier ministre Naoto Kan, la bataille pour contraindre celui-ci à démissionner est entrée dans sa phase finale : dans les premiers jours de septembre, seront en place un nouveau chef du gouvernement et un nouveau cabinet.
La désignation du nouveau président du parti démocrate du Japon (PDJ), formation gouvernementale, aura lieu le 29 août. Le vainqueur est assuré du poste de premier ministre en raison de la majorité du PDJ à la chambre basse. Soumis à d'intenses pressions de l'opposition et de son propre parti, M. Kan devrait annoncer sa démission vendredi.
Ce changement d'équipe donne lieu à des batailles au sein du PDJ dont les enjeux sont éloignés des préoccupations d'un pays durement touché par un désastre naturel et une catastrophe nucléaire. Les commentateurs n'attendent guère de bouleversement. Le nouveau premier ministre pourrait n'être qu'un intérimaire qui assumera la fin d'un mandat de Naoto Kan : une nouvelle élection du président du PDJ devra avoir lieu dans moins d'un an.
Seiji Maehara semble le mieux placé pour l'emporter sur ses adversaires dont Yoshihiko Noda, ministre des finances, Banri Kaieda, ministre de l'économie du commerce et de l'industrie (METI) et Michihiko Kano (agriculture). Le nouveau chef de gouvernement sera le sixième en cinq ans : un ballet de premiers ministres symptomatique de la crise endémique de la politique japonaise à laquelle n'a pas remédié l'arrivée au pouvoir des démocrates en 2009 - première alternance en un demi-siècle.
" Grande coalition " Avant même le désastre du 11 mars, la popularité de Naoto Kan était au plus bas en raison de ses atermoiements. La gestion des suites de séisme et le retard à admettre la gravité de la catastrophe nucléaire lui ont fait perdre le peu de crédit dont il disposait. Les réticences de la bureaucratie à collaborer avec les démocrates et la perte de majorité de ceux-ci au sénat ont paralysé le cabinet de Naoto Kan qui, lui-même, manquait de la fermeté nécessaire pour passer outre à ces blocages.
Seiji Maehara (49 ans) joue sur son image d'homme de décision. Beau parleur, télégénique, se situant à droite du PDJ, d'un pro-américanisme entier et entendant tenir la dragée haute à la Chine, il avait démissionné de ses fonctions de ministre des affaires étrangères début mars pour une affaire de fonds politiques
Une partie des démocrates sont favorable à une " grande coalition " avec le parti libéral démocrate (PLD), qui a dominé la scène politique de 1955 à 2009, et le Nouveau Komeito (centriste). Pour répondre aux attentes de la majorité de l'opinion, les candidats à la succession de Naoto Kan se déclarent favorables à la sortie progressive du nucléaire, que prône ce dernier, mais aucun ne semble déterminé à mettre en oeuvre une telle politique.
En arrière plan aux batailles au sein du PDJ, se profile la figure de son " parrain " : Ichiro Ozawa. Poursuivi pour une affaire de fonds politiques, il a été suspendu du parti qu'il contribua à fonder. Mais son groupe demeure le plus puissant. Pour ses adversaires, il est impératif de désigner un successeur à Naoto Kan car, fin septembre, les deux secrétaires de M. Ozawa impliqués dans l'affaire des fonds politiques pourraient bénéficier d'un non-lieu, faisant tomber les accusations portées contre leur " patron " et permettrait à celui-ci de reprendre l'initiative.
Philippe Pons
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