Les Echos, no. 21000 - International, mardi 23 août 2011, p. 7
L'entrée des forces rebelles dans Tripoli a fait bondir les titres de Total et ENI. Un redémarrage de la production prendra néanmoins du temps.
L'effet a été immédiat. L'entrée des forces rebelles dans Tripoli ce week-end a fait chuter le prix du baril de brent de la mer du Nord, qui a chuté de 1 %, à 108,43 dollars. La perspective d'un retour de la Libye sur le marché devrait permettre de faire revenir un flux de 1,5 à 1,6 million de barils par jour à terme, soit près de 2 % des volumes mondiaux. En avril, l'arrêt de la production de ce brut de très bonne qualité avait propulsé le brent au-delà des 127 dollars.
Les actions des groupes pétroliers présents en Libye ont quant à elles bondi en Bourse. Total a gagné 2,25 % dans un marché en hausse de 1,14 %, tandis que l'italien ENI voyait son titre progresser de 6,33 %. Les deux acteurs ont beaucoup à gagner d'une reprise de la production de la Libye. Le pays représente 15 % de la production du groupe italien et 2,3 % de celle de Total. Au deuxième trimestre, le pétrolier français a perdu un volume de 55.000 barils par jour et ENI environ 230.000 barils par jour.
Relancer son industrie
Reste maintenant à voir à quel rythme le pays pourra relancer son industrie. Mi-juin, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estimait qu'il faudrait attendre deux ans pour voir la Libye retrouver un volume de 1,5 à 1,6 million de barils par jour, compte tenu des dommages sur les infrastructures. « Les conditions de fermeture de certains puits n'ont pas été optimales. Lorsque le brut est très visqueux, comme en Libye, cela peut rendre le redémarrage des puits très délicat », ajoute Didier Houssin, directeur Marchés et Sécurité énergétique à l'AIE. D'autres sont plus optimistes. « La Libye pourrait atteindre un volume de 1 à 1,2 million de barils par jour d'ici un an », estime Samuel Ciszuk, analyste chez IHS. De son côté, ENI pense qu'il lui faudra un an pour retrouver son niveau de production antérieur. Pour beaucoup, le rythme du rebond dépendra surtout de la rapidité avec laquelle les expatriés feront leur retour, car l'industrie nationale est très dépendante des compétences étrangères.
Le changement de régime augure-t-il d'une redistribution des cartes ? Début juillet, le Conseil national de transition a indiqué qu'il honorerait tous les contrats conclus sous l'ère Kadhafi. « Nous n'avons pas de problèmes avec les pays comme l'Italie, la France ou la Grande-Bretagne. Mais cela pourrait être le cas avec la Russie, la Chine et le Brésil », a nuancé hier Abdeljalif Mayouf, en charge de la communication du pétrolier libyen Agoco. Le négociant Vitol et le Qatar pourraient par contre recueillir les bénéfices de leur soutien aux forces rebelles.
EMMANUEL GRASLAND
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