lundi 19 septembre 2011

Chine et États-Unis : les donneurs de leçons - Marc Fiorentino

La Tribune (France), no. 4810 - Éditoriaux et opinions, lundi 19 septembre 2011, p. 29

Quand je vois la cacophonie qui règne en Europe et le chaos politique, économique et financier, j'ai évidemment très envie de critiquer l'Europe tout en étant persuadé que l'Europe est une formidable construction et que l'euro doit être défendu même dans les moments les plus durs. Toutes ces tergiversations, ces sommets franco-allemands inutiles, ces solutions de rafistolage comme celle qu'on va trouver dans les jours qui viennent sur la Grèce avec une restructuration obligatoire (enfin!) de la dette, couplée à une aide européenne et un programme d'austérité (inapplicable), cette absence de vision globale sur la crise économique et financière, tout cela est critiquable. Par nous, Européens.

Par les pays non européens qui ont fait mieux que nous. Mais que la Chine et les États-Unis nous donnent des leçons, j'avoue que je trouve cela un peu gonflé.

Honneur à celui qui a le moins peur du ridicule : Tim Geithner. Secrétaire au Trésor américain. L'homme que même la presse anglo-saxonne a jugé incompétent face à la crise de 2008 et tellement inféodé à Wall Street que Wall Street a repris la main sur l'administration américaine. Le voilà qui s'invite au sommet des ministres des Finances qui a eu lieu vendredi dans un trou paumé de Pologne et qui vient nous donner une leçon. Faites comme nous, dit-il. Sauvez la Grèce à n'importe quel prix, imprimez des euros, jetez-vous dans le vide. Il en sortira toujours quelque chose. L'homme qui nous parle vient d'un pays qui est plus proche de la faillite que l'Italie ou l'Espagne. Le pays aux 49 millions de pauvres, au taux de chômage qui ne baisse pas malgré les centaines de milliards de dollars jetés par les fenêtres, à la dette tellement colossale qu'on n'arrive plus à compter les zéros, à l'immobilisme politique total avec des républicains et démocrates qui ne sont même pas parvenus à un vrai accord sur le plafond de la dette, au plan d'austérité inexistant, à la monnaie dont tout le monde, Chinois en tête, se demande comment s'en débarrasser et au président qui de Messie est devenu fils spirituel de Jimmy Carter.

Avez-vous vu le visage de Wen Jiabao, le Premier ministre chinois, qui s'étalait à la une de tous les journaux? Un large sourire. Il faut dire qu'il venait de faire une bonne blague. Il avait fait croire qu'il était prêt à faire l'aumône à l'Italie. Tous les commentateurs et même les investisseurs y ont cru. Mais en fait, c'était une blague. Juste pour le plaisir de voir tous les responsables européens tendre leur sébile et repartir tout penauds en l'écoutant dire : " Si vous voulez qu'on vous aide, mettez un peu d'ordre chez vous... Faites comme nous. " Monsieur Jiabao, vous pouvez sourire, mais votre situation n'a rien à envier à celle de l'Europe. Les 3.000 milliards de dollars que vous affichez en permanence comme réserves sont de la monnaie de singe. C'est principalement du dollar mais, surtout, cela ne couvre qu'une infime partie des créances douteuses que vous cachez dans vos banques, dans vos régions et dans vos bilans. Sans la croissance américaine et européenne, la machine à exportation s'essouffle et les troubles sociaux se multiplient. Si votre croissance chute, ce sera le chaos. Mais vous, vous trichez avec le yuan et vous avez l'armée et la censure pour calmer les populations. Ce n'est pas le modèle européen.

Monsieur Geithner, ayez la décence de vous taire. Monsieur Wen Jiabao, pensez à la situation dans votre pays avant de sourire. L'Europe est en crise mais l'Europe est largement plus solide que les États-Unis et que la Chine.

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