Le Monde - Economie, vendredi 9 septembre 2011, p. 15
Le champion chinois du transport maritime veut réduire ses coûts. Exposé depuis trois ans au ralentissement du commerce mondial, conséquence de la crise, China Ocean Shipping (Cosco) a perdu 2,76 milliards de yuans (307 millions d'euros) au cours du premier semestre.
Le transporteur, dont le gouvernement chinois est actionnaire majoritaire, veut réaliser " de plus grandes économies d'échelle et des synergies ", selon son porte-parole. Le groupe a annoncé la fusion de trois entités, chacune spécialisée dans les vraquiers, et assure que " c'est le bon moment pour s'engager dans une restructuration ". Cosco espère gagner en poids dans la négociation des contrats avec les propriétaires de navires.
La société paie ses erreurs stratégiques. " Quand le marché était à son apogée, en 2007 et 2008, elle s'est engagée sur des navires à des coûts très élevés. Elle a alors renouvelé les contrats de location de la moitié de sa flotte au prix fort ", explique Janet Lewis, directrice de la recherche sur le transport en Asie de Macquarie Securities.
" La Chine importait toujours plus de matières premières par vraquiers pour assurer sa croissance. Cela a encouragé un surinvestissement dans de nouveaux bateaux qui sont arrivés sur le marché ", précise Robert Bruce, spécialiste du transport chez CLSA à Hongkong.
Méthode cavalière
Cosco souffre aussi d'avoir réservé des vraquiers à long terme, pensant se protéger contre la hausse promise des prix, et signer avec ses clients des contrats de transport à court terme pour bénéficier de cette augmentation. Or, l'offre de vraquiers capesize, c'est-à-dire les plus grands, est surabondante. Le prix de leur location journalière a chuté, jusqu'à tomber en juillet sous les coûts de fonctionnement.
Le marché a légèrement rebondi en août. " Mais un armateur qui s'est engagé à payer des navires à 60 000 dollars - 43 000 euros - par jour continue de perdre de l'argent, puisque le cours reste en dessous de 25 000 dollars ", dit Mme Lewis.
Afin de renégocier à la baisse des accords dont certains avaient été signés cinq ans plus tôt, Cosco a employé une méthode jugée cavalière dans toute l'industrie. L'armateur a cessé de payer les propriétaires de navires. Ce qui s'est retourné contre lui : dix-huit de ses bateaux ont été saisis en août sur ordre de cours de justice, à Singapour ou en Louisiane. Cosco s'est donc résolu à payer, comme le confirme Raymond Ching, vice-président de Jinhui, propriétaire de vraquiers à Hongkong : " Ils se sont acquittés de ce qui était dû. "
Voir ses navires bloqués à quai est " un lieu commun entre pairs dans le secteur ", se justifie Cosco, qui parle de " différends contractuels isolés et d'une pratique commerciale dans l'industrie ".
Outre qu'il a versé son dû, l'armateur paye de sa réputation le choix de s'absoudre des usages du commerce maritime. Comme l'explique M. Ching : " Le métier apprécie ceux qui s'en tiennent au contrat et n'aime pas celui qui, refusant de payer, présente cela comme une pratique normale. "
Harold Thibault
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